: Vidéos "Cannabis" : Mathieu Kassovitz explore les avantages et risques de la légalisation dans un documentaire autour du monde
Récréatif pour certains, thérapeutique pour d'autres, une drogue quoi qu'il en soit... Le cannabis demeure un sujet brûlant tant pour les politiques que pour les citoyens. Si la législation s'assouplit dans certains pays, comme en Allemagne à partir du lundi 1er avril, la France s'y refuse toujours. Elle compte pourtant le deuxième taux d'usagers le plus élevé dans l'Union européenne, d'après l'Observatoire européen des drogues et des toxicomanies (OEDT) : 10,6% des 15-64 ans en France ont consommé du cannabis au moins une fois dans l'année écoulée, selon des données de 2021. L'acteur et réalisateur Mathieu Kassovitz, en collaboration avec le réalisateur Antoine Robin, a enquêté pendant un an sur les différentes façons d'encadrer ce phénomène.
"Nous avons voulu mettre en comparaison l'approche de la France avec [celle des] autres pays du monde qui ont légalisé le cannabis. Il n'était pas question de dire si c'est bien ou mal, mais de comprendre quels sont les résultats de ces pays. Ne pas en parler n'est pas une solution."
Mathieu Kassovitz, acteur et réalisateurlors de la présentation de son documentaire à la presse
Ce documentaire, intitulé Cannabis, soulève de multiples problématiques. Afin de mieux comprendre les conséquences de la consommation de cette drogue, le réalisateur de La Haine a sillonné les différents pays qui ont légiféré pour autoriser ou décriminaliser sa consommation. Il est allé à la rencontre de consommateurs, de dealers, de producteurs de cannabis, de médecins et de personnalités politiques, et explore l'organisation, les échecs et les réussites de la légalisation.
Un documentaire à valeur pédagogique diffusé sous deux formes distinctes : un format sériel en 10 épisodes, à retrouver sur francetv slash, destiné aux publics plus jeunes, et un long format documentaire, diffusé le 2 avril à 21h05 sur France 5. Franceinfo a sélectionné trois extraits à découvrir avant sa sortie.
Aux Pays-Bas, la guerre des gangs et un modèle qui évolue
Depuis 1976, il est toléré de consommer de la marijuana dans des coffee shops aux Pays-Bas, à tel point qu'Amsterdam devient la capitale du cannabis au début des années 1980. Pour autant, le pays s'est placé dans une zone grise : il reste interdit d'y cultiver cette drogue, de la fournir à ces boutiques ou même de la consommer, mais les autorités choisissent de ne pas appliquer la loi aux usagers.
La mauvaise gestion des flux de drogue et l'attentisme de la politique batave laissent proliférer des groupes mafieux, encouragés par la forte demande des consommateurs. La mafia la plus active est marocaine. Appelée Mocro Maffia, elle organise un trafic d'ampleur et draine dans son sillage une violence qui s'est intensifiée ces dernières années. Une véritable guérilla urbaine gangrène le pays.
"Ils s'entretuent dans l'indifférence générale. (...) En 2016, ils ont tranché la tête d'un type, comme au Mexique, et l'ont déposée devant un bar à chicha qui était le fief du gang adverse, en guise d'avertissement."
Wouter Laumans, auteur néerlandaisdans le documentaire "Cannabis"
Rien n'arrête ces trafiquants, qui sont soupçonnés d'avoir commandité les assassinats d'un avocat et d'un journaliste en pleine rue. Ridouan Taghi, considéré comme le cerveau de la Mocro Maffia, a été condamné, fin février, à la prison à vie pour une dizaine d'assassinats ou tentatives d'assassinats (il a fait appel). Mais la guerre des gangs continue et l'argent généré par le trafic de drogue s'infiltre dans tous les secteurs économiques du pays.
Celui-ci est donc en train de faire évoluer son modèle pour tenter d'enrayer le narcotrafic : depuis le 15 décembre, les autorités ont lancé une expérimentation de la décriminalisation de la production de cannabis et de l'approvisionnement aux coffee shops. Elle a commencé par deux villes du sud du pays, Bréda et Tilbourg, et doit s'étendre progressivement à d'autres localités, donc Amsterdam.
Au Canada, une légalisation que le Premier ministre ne regrette pas
En 2018, le Canada légalise la consommation récréative de cannabis, à partir de 19 ou 21 ans selon les provinces. Des vendeurs assermentés remplacent les dealers et le gouvernement fédéral encadre et gère rigoureusement la production de marijuana. Une charte claire est établie : ne pas faire de profit sur le cannabis, et réinvestir les recettes dans la recherche, la prévention de l'addiction et la gestion des points de vente.
Cette promesse électorale du Premier ministre, Justin Trudeau, laisse craindre, à l'époque, une augmentation considérable de la consommation chez les jeunes de 15 à 24 ans. Or elle est restée stable. Seuls les adultes de 35 ans et plus consomment davantage de cannabis depuis qu’il est en vente libre, selon une étude de la santé publique de Montréal. Le cannabis est devenu depuis un non-sujet dans le pays, selon Justin Trudeau, qui a répondu à Mathieu Kassovitz.
"Je me souviens bien de tous les débats intenses qu'on avait eus, que ça allait être la fin du monde... On l'a fait et on n'en parle presque plus."
Justin Trudeau, Premier ministre du Canadadans le documentaire "Cannabis"
Le chef du gouvernement canadien liste de nombreux bénéfices, à ses yeux, de la législation en vigueur depuis plus de cinq ans : "L'argent va de plus en plus vers un marché réglementé et la consommation est plus sécuritaire (...) On voit aussi des impacts positifs sur notre système judiciaire et pénal. Il y a moins d'arrestations (...) moins de discriminations contre les minorités, qui ont toujours été plus ciblées" par la lutte contre la drogue.
En France, les jeunes, premières victimes du cannabis
De nombreux jeunes français font l'expérience du cannabis dès l'adolescence. Selon l'Observatoire français des drogues et des tendances addictives, en 2018, 42,4% des élèves de terminale et 9,1% des collégiens de 3e en avaient consommé au moins une fois. Avec des conséquences parfois dramatiques.
Au CHU de Montpellier, Mathieu Kassovitz questionne la professeure Hélène Donnadieu Rigole, qui traite des patients dépendants au cannabis. "L'incapacité à s'abstenir de consommer" peut toucher des patients particulièrement jeunes, observe l'addictologue. "Les plus jeunes, de façon très rare, ils ont 11 et 12 ans. Mais la majorité a 13-14 ans". Alan, étudiant en médecine traité dans son service, fume depuis qu'il a 15 ans.
" C'était récréatif dans les soirées. Comme on découvre l'alcool au lycée, il y a eu la découverte du cannabis en même temps. "
Alan, jeune consommateur suivi par une addictologuedans le documentaire "Cannabis"
Quatre ans plus tard, son plaisir de prendre cette drogue se tarit, et elle devient davantage une source d'angoisse. Il décide, de propre initiative, de consulter Hélène Donnadieu Rigole. "Je suis venu ici, car je voulais équilibrer ma vie, explique le jeune homme à Mathieu Kassovitz. Ça devenait plutôt un frein dans ma construction personnelle. (...) Il y avait un problème d'anxiété qui se cachait derrière cette consommation."
Le documentaire Cannabis, réalisé par Mathieu Kassovitz et Antoine Robin, est diffusé mardi 2 avril à 21h05 sur France 5. Il est également visible sur france.tv, et en série de 10 épisodes sur francetv slash.
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