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Vidéo Christian Ben Lakhdar, économiste des drogues : "Je suis plutôt favorable à une légalisation du cannabis pour lutter efficacement contre la criminalité"

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Article rédigé par franceinfo - Justine Claux
France Télévisions

Invité de Jean-Paul Chapel dans ":L'éco", Christian Ben Lakhdar est professeur d'économie à l'Université de Lille, et spécialiste des drogues et des conduites addictives. De la criminalité aux enjeux de santé publique, il nous parle des intérêts économiques de la légalisation du cannabis.

Christian Ben Lakhdar est professeur d'économie à l'Université de Lille, spécialiste des drogues et des conduites addictives. Il siège également au collège scientifique de l'Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT). Ses dernières recherches traitent notamment de la légalisation du cannabis et des modes de régulation à mettre en œuvre pour une gestion optimale de ces marchés. 

Faut-il légaliser la marijuana en France ? Pour notre invité, c'est évident. Christian Ben Lakhdar explique pourquoi : "Je suis plutôt favorable à une légalisation du cannabis et de son marché pour différentes raisons, la première, s'il fallait les lister, ce serait enfin lutter efficacement contre la criminalité et les réseaux de revente qui polluent nos quartiers, si j'ose dire". 

Selon les estimations, l'économie informelle rapporterait un gros milliard d'euros au crime organisé chaque année en France et ferait vivre entre 100 et 200 000 personnes. 

"À qui profite ce chiffre d'affaires ? Essentiellement à des mafias ?", interroge Jean-Paul Chapel. 

"Alors, des mafias, c'est peut-être un bien grand mot, en tout cas, à des structures criminelles organisées, hiérarchisées, qui profitent, malheureusement, du chômage et de la faiblesse de certains jeunes, qui les engrainent dans ces formes de criminalité, en passant par la revente, la surveillance dans le quartier ou d'autres petits métiers", répond le professeur d'économie

"Mais si on légalisait, ça n'enlèverait rien aux risques de trafic et aux problèmes de santé publique que représentent le cannabis ?", poursuit Jean-Paul Chapel. 

"Là, vous posez finalement la question du cadre qu'il faudrait instaurer au marché du cannabis français. Je serais plutôt favorable, au contraire de certains États américains plutôt pro-business, à instaurer un cadre strict de santé publique", précise Christian Ben Lakhdar. "Peut-être calqué sur les outils de lutte contre le tabagisme qu'on a mis en œuvre et instauré en France, le premier outil étant l'augmentation du prix du gramme de cannabis."

Combien ça coûte justement un gramme de cannabis ? "Aujourd'hui, le prix médian du gramme de rue est aux alentours de 10-11 euros, en fonction du produit que vous achetez, de la résine ou de l'herbe, et en fonction de la qualité intrinsèque du produit, entendue comme sa concentration en THC".

"C'est pas très cher. Ça a l'air un peu banal", réagit Jean-Paul Chapel. "La loi prévoit quand même des amendes, il faut le rappeler, c'est interdit, même la consommation de cannabis est interdite. La loi prévoit à la première interpellation une amende de 200 euros."

"Une amende de 200 euros qui n'est aujourd'hui jamais appliquée, il faut le savoir. On peut aller jusqu'à un an d'emprisonnement et 3.750€ d'amende pour usage et détention. Sachant qu'en France, à l'heure actuelle, les enquêtes épidémiologiques font état de 5 millions de consommateurs réguliers, avec entre 900.000 et 1 million de consommateurs quotidiens.", détaille l'économiste des drogues et des conduites addictives. 

Il y a plus consommateurs en France que chez nos voisins européens, notamment qu'aux Pays-Bas, qui ont pourtant un usage toléré du cannabis. 

"La prévalence, en particulier chez les 15-34 ans, en France, est très élevée, voire la plus élevée en comparaison aux autres pays européens.", affirme Christian Ben Lakhdar. 

"Donc, d'une certaine manière, il y a une certaine hypocrisie, c'est-à-dire qu'on l'interdit mais on voit dans la pratique que ça ne réduit pas la consommation", souligne Jean-Paul Chapel. 

"C'est ce que les sociologues appellent la loi de papier. Donc, on a une loi écrite mais qui est largement bafouée par toute une frange de la population, évidemment", insiste l'économiste. 

"Où est produite cette drogue récréative ?", demande Jean-Paul Chapel. 

"Traditionnellement, le marché français était nourri par de l'importation de résine marocaine, les cultures du Rif. Mais depuis maintenant une quinzaine d'années, l'auto-culture de cannabis a pris son essor dans tous les pays européens, faisant de l'Europe un narco-État, si j'ose dire. On évalue à 100% le marché domestique Suisse, qui finalement s'auto-approvisionne, c'est-à-dire qu'en Suisse, la culture locale suffirait au marché, aux consommateurs suisses. Les estimations font état de 60% du marché britannique, et en France, on est encore en deçà, les dernières estimations donnaient environ un joint sur dix qui serait d'origine française.", répond Christian Ben Lakhdar. 

"Vous me disiez également que l'industrie de l'alcool s'intéressait très sérieusement, en France, à ce marché", indique Jean-Paul Chapel. 

"Le marché légalisé du cannabis va se scinder en trois secteurs, un secteur bien-être, avec les cosmétiques, un secteur thérapeutique, on parle beaucoup du cannabis thérapeutique, et un secteur récréatif, où l'ivresse cannabique est recherchée. Et évidemment, les principaux acteurs du marché de l'ivresse que sont les alcooliers investissent dans le cannabis nord-américain", assure le spécialiste des drogues et des conduites addictives. 

Le gouvernement ne regarde toutefois pas les évolutions recommandées par Christian Ben Lakhdar de manière favorable. Il explique : "Aujourd'hui, on a des commissions parlementaires qui se montent, principalement autour du cannabis bien-être et du cannabis thérapeutique. On a des députés de zones rurales qui essaient de pousser à une autorisation du cannabidiol, cannabinol (CBD et CBN, NDLR) qui sont d'autres molécules du cannabis", conclut celui qui siège au collège scientifique de l'Observatoire français des drogues et des toxicomanies.

L'interview s'est conclue sur "Liquid Swords" de GZA feat. RZA.

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