Amende forfaitaire pour les consommateurs de cannabis : "On fait une fixette sur la réponse pénale", déplore un addictologue
Jean-Pierre Couteron, porte-parole de la fédération Addiction, dénonce un manque de prévention et d'éducation auprès des mineurs pour qui "il y a une dangerosité spécifique du cannabis".
L'amende forfaitaire pour les consommateurs de cannabis - généralisée à tout le territoire français mardi 1er septembre après avoir été testée dans certaines ville - "poursuit une politique française qui consiste à tout miser sur la sanction", déplore sur franceinfo Jean-Pierre Couteron, addictologue et porte-parole de la fédération Addiction. Il estime qu'au lieu de "faire une fixette sur la réponse pénale", la France devrait se concentrer sur la consommation par les mineurs et sur les usages dangereux, par exemple au moment de la conduite automobile. "Il faut une politique plus équilibrée", défend Jean-Pierre Couteron.
franceinfo : Quel regard portez-vous sur ce dispositif d'amende ?
Jean-Pierre Couteron : Ca poursuit une politique française qui consiste à tout miser sur la sanction. On trouvait que la sanction était mal appliquée, qu'elle était trop compliquée à appliquer par les policiers et les magistrats et donc depuis une vingtaine d'années on essaie d'appliquer ces sanctions de façon plus directe. Il y a eu d'abord une circulaire Badinter qui disait que l'usager devait être considéré aussi parfois comme revendeur. Ensuite en 2007 il y a déjà eu une mesure un peu comme celle-là avec le président Sarkozy, on voulait la tolérance zéro, on avait mis en place des stages payants, l'usager interpellé devait faire deux jours de stage et il devait les payer, c'était encore plus cher, jusqu'à 400 euros. Et là on va encore raccourcir, on se contente entre guillemets de dire qu'on va faire une amende quasi automatique de 200 euros.
Est-ce que cette politique répressive fonctionne ? Est-ce que ça marche de toucher au portefeuille ?
C'est ce qu'on essaie de nous vendre. Mais vous connaissez les chiffres : la France reste depuis à peu près 25 ans le premier ou le deuxième pays consommateur de cannabis, avec une des politiques les plus répressives.
Que font nos voisins pour que la consommation diminue ?
Ils font des politiques plus équilibrées, il considère que plutôt que d'essayer d'empêcher complètement la consommation, il faut permettre à des personnes qui en ont besoin, et notamment les usagers qui attendent le cannabis thérapeutique, de l'avoir. Ça élimine déjà 10 0000 à 30 000 personnes. Pour des adultes qui préfèrent prendre deux ou trois joints de temps en temps, là où d'autres prennent deux ou trois verres d'alcool de temps en temps, on peut classer ça, en termes de santé publique, dans une zone non pas de zéro risque mais de risque faible.
On pourrait se dire qu'on va se concentrer sur les mineurs, parce que pour eux il y a une dangerosité spécifique du cannabis du fait de la non-maturation du cerveau, et qu'on va se concentrer sur des usages dangereux, au moment de la conduite automobile, dans un certain nombre de circonstances. Donc il faut une politique plus équilibrée avec de la répression, de l'information, des sanctions et des limites, mais adaptées aux risques réels de l'usage et pas dans une volonté de prohibition absolue.
Vous pensez qu'on fait une "fixette" sur le cannabis en France ?
On fait une "fixette" surtout sur la réponse pénale par rapport au problème d'addiction et on oublie quand même que pour beaucoup d'usagers, derrière, il y a un certain nombre de motivations. Excusez-moi de cette comparaison un peu brutale, mais l'addiction, ce n'est pas comme le Covid, on l'attrape pas juste parce qu'on a respiré un virus. On va vers un produit, on va vers ce produit parce qu'on en attend un effet. On y va parce qu'on s'est piégé à penser qu'il n'y avait que cette solution, notamment quand on est jeune, pour avoir tel ou tel effet. C'est ça qui est dommage et c'est là que le manque de prévention et de réponse éducative constructive se paie en France, parce qu'on n'a pas développé des programmes comparables à ce qui a été fait dans d'autres pays, on va majoritairement laisser les gens face à cette solution-là. Il y a un moment où il faut aussi essayer de répondre à ce qu'on attend de ce produit et proposer une autre réponse.
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