Déremboursement de certains arrêts de travail délivrés en téléconsultation : "Un magistral coup de pied" à la "médecine low-cost", se réjouit un médecin
Cette mesure concerne les arrêts de travail délivrés en téléconsultation par un médecin autre que le médecin traitant. "Il faut arrêter ça", selon le docteur Jérôme Marty.
Jérôme Marty, médecin généraliste et président de l'Union Française pour une Médecine Libre (UFML), a estimé dimanche 25 septembre sur franceinfo que la fin du remboursement des arrêts de travail délivrés en visio par un praticien autre que le médecin traitant est "un magistral coup de pied" à "une espèce de financiarisation du soin" et à "une médecine low-cost". Dans un entretien au Journal du dimanche, le ministre des Comptes publics Gabriel Attal a annoncé que cette mesure fera partie du projet de budget de la Sécurité sociale qui sera rendu public ce lundi.
Ces pratiques ont coûté "près de 100 millions d'euros l'an dernier", justifie-t-il. La téléconsultation s'est développée dans certaines régions pour combler l'absence de médecins dans des déserts médicaux. "Ça me choque que des médecins se prêtent à ce jeu-là dans ces structures commerciales qui ne devraient pas exister", explique Jérôme Marty. "Il faut arrêter ça !", mais "il faut rendre plus attractives nos professions pour que les gens s'installent", souligne-t-il.
franceinfo : Soutenez-vous l'initiative gouvernementale ?
Jérôme Marty : C'est un magistral coup de pied donné à tout ce qui est cabines de téléconsultation ou structures commerciales, plates-formes de téléconsultation. On a vu cela monter depuis quelques années. C'est très lié au problème de la démographie médicale. C'est une sorte de marché noir où on a des entreprises commerciales qui font une espèce de financiarisation du soin, avec une médecine low-cost, où des médecins salariés vont répondre à la demande de patients qui ne les connaissent pas et qui vont dans certains cas produire effectivement des arrêts de travail sans connaître les patients. Ou encore des patients qui font la chasse à l'arrêt de travail en allant taper à plusieurs portes jusqu'à ce qu'ils obtiennent un arrêt de travail.
Ce sont des médecins peu scrupuleux ?
On ne peut pas dire cela. Ce sont des médecins qui n'ont pas tous les éléments sur le patient qu’ils ont en face et qui vont certaines fois donner cet arrêt de travail. Ce qu'il faut, c'est revenir à une médecine de qualité, une médecine où le patient est connu de son médecin et on a les possibilités de donner aux Français des médecins traitants partout. Ce n'est pas le cas aujourd'hui.
Cela ne vous choque pas qu'on puisse donner un arrêt de travail à un patient qu'on ne connait pas ?
Ça peut me choquer de la même façon que ça me choque que des médecins se prêtent à ce jeu-là dans ces structures commerciales qui ne devraient pas exister. Je pèse mes mots. Elles ne devraient pas exister, mais, malheureusement, elles existent parce que la crise démographique et la crise sanitaire font qu'elles ont eu un champ qui leur est ouvert. Il faut fermer ce champ. Ça veut dire qu'il faut augmenter le nombre de médecins qui s'installent.
Combien de temps durent ces consultations ?
Selon les derniers chiffres qu'on a pu avoir, ce sont des consultations qui sont très courtes puisqu'en moyenne elles durent de cinq à dix minutes à peine. Les médecins sont salariés, donc ils ne sont pas à l'acte. Ils ne sont pas rémunérés par l'acte qu'ils prodiguent. Par contre, la structure qui met en place la cabine se paye en quelque sorte sur les actes qui sont réalisés. Ce qui est fou, c'est que vous avez des cabines qui sont dans les officines de pharmacie. Vous en avez dans de grandes surfaces. Monoprix en avait installé, par exemple. Vous en avez dans des structures mutualistes. Un peu partout. Il faut arrêter ça.
On a accès aujourd'hui à de la médecine "low-cost" dans des pharmacies ?
Oui, vous avez des pharmacies qui ont installé des cabines de téléconsultation. Ce n'est pas pour résoudre les déserts médicaux parce que souvent, ils ont des médecins qui sont dans le même quartier qu'eux. Donc, c'est uniquement un problème financier, d'apport économique pour la structure. C'est à dénoncer. On le fait, mais par contre, on garde à l'esprit que 6 millions de Français n'ont pas de médecin traitant. Donc, ça oblige le gouvernement et ça oblige l'assurance-maladie. Il faut rendre plus attractives nos professions pour que les gens s'installent. Il n'y a pas d'autre moyen. Occupons-nous de rendre plus attractifs ces métiers du soin que sont les médecins libéraux, augmentons leurs tarifs pour qu'ils s'installent et faisons tout pour que chaque Français puisse avoir un médecin traitant. Les Français sont en droit d'avoir une médecine de qualité.
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