Allergies alimentaires : "En 20 ans, on a une augmentation de 300%" chez les enfants, alerte un médecin
Chaque année le Syndicat Français des Allergologues (Syfal) et la Fédération française d'Allergologie (FFAL) organisent la "Semaine mondiale de l'allergie". Elle se tiendra cette année du 24 au 29 juin, mais les médecins ont décidé cette année de mettre en avant les risques liés aux allergies alimentaires. Ils appellent à une plus grande sensibilisation, une meilleure application de la réglementation et une mise à jour des allergènes à déclaration obligatoire. Séverine Fernandez, médecin allergologue à La Ciotat et présidente du Syfal, répond aux questions de franceinfo.
franceinfo : Qu'est-ce qu'une allergie alimentaire ?
Dr Fernandez : L’allergie alimentaire est une réponse du système immunitaire au contact d'une protéine alimentaire et qui va vouloir se défendre, lutter contre cet aliment qu’il va considérer comme étant un agresseur en apportant une réponse immunologique, c’est-à-dire une cascade d'enchaînements du système immunitaire qui va vouloir se protéger et qui entraînera plusieurs formes, dont la plus connue est le choc anaphylactique, c’est-à-dire une réponse avec sévère, avec atteinte cardiorespiratoire. L’allergie alimentaire, on peut en mourir. C’est totalement différent des intolérances alimentaires. Les intolérances, c’est simplement notre système digestif qui se sent un peu trop rempli ou qui est confronté à un aliment qu'il n'aime pas digérer et qui va entraîner des symptômes. Ces symptômes, il ne faut pas les minimiser, mais il n’y a jamais de risque vital. Il y a moins d’allergiques alimentaires que d’intolérants alimentaires, mais pour eux le risque est plus grand. On ne meurt pas d’une intolérance alimentaire.
En quoi considérez-vous qu’il s’agit d’un enjeu de santé publique ?
D’après les données du Réseau d’Allergo Vigilance (Rav), en population générale on est autour de 4 à 5% d’allergiques alimentaires, mais cela représente 6 à 8% des enfants de moins de 15 ans alors que ce n’était que 2% il y a 20 ans. En 20 ans on a donc une augmentation de 300%, cela fait quand même une belle augmentation en peu de temps.
"Il n'y a pas une seule explication, mais beaucoup d'études montrent que c'est notamment lié à l'évolution de notre mode de vie avec notamment la transformation des aliments et le fait d'introduire des aliments de "malbouffe"."
Séverine Fernandez, médecin allergologueà franceinfo
Si on ne prend pas le sujet à bras-le-corps, on va avoir une explosion des allergies. Prenez l'exemple de ce qui se passe avec les pollens. Beaucoup d’allergologues ont émis des alertes il y a plus de 25 ans en disant "attention, on a un problème, les pollens s'aggravent et on va avoir une hécatombe côté allergies respiratoires". Et, aujourd'hui, on a bien une explosion des pollens et ça ne va plus... Cette alerte sur les allergies alimentaires, on remarque une aggravation et une augmentation des cas, ça touche nos enfants, ce n’est pas connu, ni reconnu. Or, il y a aussi toute une répercussion sur la vie sociale. Il y a des réglementations qui existent, mais qui sont encore insuffisamment appliquées. La réglementation Inco, par exemple, instaure la déclaration obligatoire de certains allergènes, mais elle n’est pas appliquée dans les restaurants.
Que préconisez-vous face aux allergies alimentaires ?
Je préconise déjà d'informer, notamment informer sur comment le diagnostiquer. On n’a malheureusement pas de possibilité de faire de dépistage en amont, ça n'existe pas. Mais il y a des règles de base. On peut notamment parler de la diversification alimentaire précoce, expliquer quand consulter et aussi informer sur comment réagir face à quelqu'un qui fait une réaction anaphylactique.
"On a quand même 10% à 20% des anaphylaxies qui surviennent pendant le temps scolaire, à la cantine. Dans 25 à 50% des cas c’était la première fois, l’allergie n’était pas connue."
Séverine Fernandez, médecin allergologueà franceinfo
Donc il faut que l’on forme, que l’on informe, que les personnes travaillant avec des enfants puissent savoir comment réagir. Et puis il faut une meilleure application de la réglementation, ainsi qu’une révision régulière des réglementations et de la liste des allergènes à déclaration obligatoire (Ado) en fonction des allergènes émergents. Je vous donne l’exemple du lait de brebis. Certains parents cherchent des alternatives au lait de vache et donnent du lait de brebis. Sauf que l’on a des anaphylaxies au lait de chèvre ou de brebis, or, ce n’est pas à déclaration obligatoire. Donc les industriels ou les restaurateurs maintenant utilisent du lait de brebis et ils ont le droit de ne pas le dire. Il faut donc modifier cette liste des Ado notamment en fonction des données que les allergologues reçoivent.
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