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Sept questions sur le scandale de la viande avariée polonaise

Près de 800 kilos de viande avariée vendue par un abattoir polonais ont été retrouvés dans neuf entreprises françaises. Le ministère de l'Agriculture assure que 500 kilos ont déjà été détruits.

Article rédigé par Marion Bothorel
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
L'abattoir de Kalinowo (Pologne), le 1er février 2019. Des vaches malades y ont été abattues avant que leur viande ne soit exportée dans plusieurs pays européens. (JANEK SKARZYNSKI / AFP)

Un abattoir polonais a abattu frauduleusement des bovins malades avant d'expédier cette viande avariée dans quatorze pays européens. La France fait partie des pays concernés : près de 800 kilos de cette viande ont été retrouvés dans neuf entreprises françaises, a annoncé le ministre de l'Agriculture, Didier Guillaume, vendredi 1er février sur CNews : "C'est une fraude terrible, une fraude économique, une fraude sanitaire d'un abattoir polonais." Franceinfo revient en sept questions sur ce scandale sanitaire.

1D'où vient cette viande avariée ?

Des bovins malades, traînés au sol, abattus frauduleusement et une viande produite visiblement avariée. Un reporter d'un magazine d'investigation de la chaîne polonaise TVN24 a filmé dans un abattoir pendant plusieurs semaines en caméra cachée, dans le nord-est de la Pologne. La justice polonaise a ouvert une enquête à la suite de ce reportage sur l'abattage et la commercialisation de bovins malades. 

D'abord informé par la presse, le ministère de l'Agriculture français a ensuite été alerté via le Réseau d'Alerte Européen (RASFF) que "neuf entreprises françaises ont été destinataires de lots de viandes incriminées". En France, 795 kilos de viande de bœuf ont été "retrouvés" en France par ces services, soit l'équivalent de "deux vaches", précise le ministère à Europe 1. A la mi-journée vendredi, un tiers du stock, soit environ 300 kilos, n'était pas encore détruit.

2Comment s'est-elle retrouvée en France ?

La Pologne est un grand exportateur de viande, en particulier vers les pays de l'Union européenne. En 2014, le site dédié aux professionnels du monde agricole, Plein champ, affirmait que dix ans après son adhésion à l'Union européenne, Varsovie était "devenue le second exportateur européen de viande bovine, derrière l'Irlande et devant l'Allemagne et la France." Ainsi, la Pologne produit autour de 560 000 tonnes de bœuf par an, dont 85% sont exportés.

La France est le cinquième partenaire commercial de la Pologne. En décembre dernier, le ministère français de l'Economie soulignait "la force productive des filiales polonaises d'entreprises françaises", notamment dans "les industries agroalimentaires"

3Combien de pays sont concernés ?

Au total, 2,7 tonnes de viande avariée ont été distribuées par cet abattoir, dans plus de dix pays européens. D'après le responsable des services vétérinaires polonais, Pawel Niemczuk, c'est le cas de la France mais aussi de la Finlande, de la Hongrie, de l'Estonie, de la Roumanie, de la Suède, de l'Espagne, de la Lituanie, du Portugal et de la Slovaquie. Les autorités slovaques ont ainsi mis la main sur trois cargaisons de viande de bœuf importées de Pologone, qu'elles suspectent de provenir de cet abattoir. 

4La viande a-t-elle pu être consommée ?

Sept tonnes de viande provenant de cet abattage ont été distribuées dans une vingtaine de points de vente en Pologne, et donc mises à disposition des consommateurs. Côté français, Didier Guillaume a affirmé que ses équipes avaient "déjà identifié les neuf entreprises de négoce qui ont été 'dupées'" par cet abattoir, présentes dans quatre départements. De leur côté, les directions départementales de la protection des populations (DDPP) indiquaient que la plupart de ces neuf établissements "n'exercent qu'une activité de négoce, sans manipulation des viandes."

Les équipes des services de contrôle de l'alimentation continuent leurs investigations, pour tracer et détruire les 300 kilos de viande avariée qui ne l'ont pas encore été. Le ministre se montre confiant : "La traçabilité des produits lorsqu'ils arrivent en France marche plutôt bien".

La Fédération du commerce et de la distribution (FCD), organisation professionnelle qui regroupe la plupart des enseignes de la grande distribution, a indiqué vendredi après-midi à franceinfo que la grande distribution n'était pas concernée par la vente de cette viande en provenance de Pologne.

D'après la FCD, la marchandise n'a pas été vendue dans les rayons boucheries de la grande distribution, ni dans des préparations transformées vendues en supermarché.

5Quels sont les risques pour la santé des consommateurs ?

Les informations manquent concernant les pathologies qui ont frappé les vaches abattues en Pologne. Robert Sebbag, docteur spécialiste en maladies infectieuses à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière à Paris, recommande, en cas de doute, d'"éviter avant tout la viande crue". "Normalement, la cuisson devrait venir à bout" des bactéries, explique-t-il à franceinfo, car elle élimine les germes pathogènes, à l'origine des abcès constatés chez les bêtes abbatues, comme le montre le reportage diffusé par la chaîne polonaise.

Le docteur Sebbag alerte en revanche sur la persistance de risques de salmonelles, de staphylocoques digestifs et de shigelles au-delà de la cuisson, pour les personnes jugées plus réceptives à l'infection, comme les personnes âgées.

6Comment réagit la Pologne ?

Dénonçant un "incident isolé", le ministre polonais de l'Agriculture a reconnu la fraude et a fait fermer l'abattoir incriminé. 

Nous avons affaire à une pathologie : sur un site, des vaches malades étaient abattues à l'insu et sans le feu vert des vétérinaires.

Marek Sawicki, ministre de l'Agriculture polonais

à la chaîne publique polonaise TVP Info.

De son côté, le Commissaire européen à la Santé et à la sécurité alimentaire Vytenis Andriukaitis a annoncé une inspection en Pologne dès la semaine prochaine et appelé les autorités polonaises à assurer le respect des normes européennes.

7Comment réagit l'Union européenne ?

Une fois alerté, le ministre de l'Agriculture français a saisi la Commission européenne pour disposer d'informations plus précises à ce sujet. L'UE a, par la suite, confirmé la découverte "de pratiques frauduleuses" au sein de cet abattoir. Le vice-président de la commision de l'agriculture et du développement rural à Bruxelles, Eric Andrieu, a plaidé pour la mise en place "d'un système de répression des fraudes alimentaires au niveau européen"

On peut être contents du système d'alerte européen, mais ce n'est pas suffisant aujourd'hui. On ne cesse d'avoir des scandales : la viande de cheval, le fipronil, les nitrites aux Pays-Bas.

Eric Andrieu, vice-président PS de la commission européenne de l'agriculture

à franceinfo 

Cette fraude éclate alors que se tient, depuis le 21 janvier au tribunal de grande instance de Paris, le procès Spanghero. En 2013, de la viande de cheval était présentée comme du bœuf dans des plats cuisinés mis en vente en grandes surfaces. Ce scandale sanitaire révélait les problèmes persistants de traçabilité dans la chaîne agroalimentaire européenne. Depuis, les contrôles se sont renforcés, sans pour autant empêcher de nouveaux scandales sanitaires, comme le déplore le vice-président PS de la commision de l'agriculture et du développement rural à Bruxelles. 

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