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Pizzas Buitoni, chocolats Kinder, fromages… Cinq questions sur les rappels et les contrôles de produits alimentaires

Les rappels massifs de pizzas Buitoni et de chocolats Kinder soulèvent des questions sur la sécurité alimentaire en France et en Europe, qui repose beaucoup sur l'autocontrôle des entreprises agroalimentaires.

Article rédigé par Violaine Jaussent
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
L'affiche annonçant le rappel de pizzas surgelées Buitoni dans un supermarché du 15e arrondissement de Paris, le 6 avril 2022. (LAURE BOYER / HANS LUCAS / AFP)

Des pizzas Buitoni (Nestlé) contaminées par la bactérie E.coli, des chocolats Kinder (Ferrero) par des salmonelles et des fromages Graindorge (Lactalis) potentiellement infectés à la listéria… Depuis plusieurs jours, les rappels de produits alimentaires fabriqués par des géants du secteur agroalimentaire se multiplient. Comment sont-ils décidés ? Par qui ? Comment sont-ils effectués ? Franceinfo détaille leur fonctionnement.

1Où sont répertoriés les rappels de produits ?

Chaque année en France, des milliers de produits dangereux ou défectueux sont rappelés. Ils sont rangés par catégories et répertoriés par ordre chronologique et sous forme de fiches sur le site internet RappelConso. La plateforme a été mise en ligne par le gouvernement en avril 2021 pour améliorer la communication et la transparence envers le consommateur. Parmi les catégories, on trouve : alimentation, bébé-enfant, hygiène-beauté, vêtements ou appareils électriques. La liste des rappels est longue. Au mercredi 6 avril, 4 378 denrées alimentaires avaient fait l'objet d'un rappel, parmi lesquelles des produits laitiers (1731 rappels), devant les viandes (567) et les aliments diététiques (363).

De plus, "il existe une grande variété dans les procédures de rappel : risque aigu ou risque chronique, très grandes quantités de produits concernées ou lot unique, risque pour l'ensemble des consommateurs ou pour certaines catégories (par exemple pour les allergènes non mentionnés)", précise à franceinfo la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF).

2De qui émanent-ils ?

Le site d'information RappelConso est alimenté en partie par les déclarations des professionnels, dès lors qu'ils mettent en œuvre un rappel sur un de leurs produits, en application de l'article L. 423-3 du Code de la consommation. RappelConso publie ensuite les informations déclarées par le professionnel. Ainsi, les industriels ont leur part de responsabilité dans les rappels. "Les entreprises, d'un côté, ont l'obligation de faire des autocontrôles et de partager les alertes si ces autocontrôles révèlent qu'il y a un risque pour la santé. Elles doivent aussi s'assurer que les conditions d'hygiène des usines de toute la chaîne de production permettent de ne vendre que des produits qui ne présentent pas de risque pour la santé", explique à franceinfo Karine Jacquemart, directrice générale de l'ONG Foodwatch France.

De l'autre côté, l'Etat, la répression des fraudes et les services vétérinaires tiennent le rôle de vigie. L'alerte peut également provenir du consommateur : il peut émettre un signalement depuis le site internet SignalConso. Pour cela, il est invité à choisir parmi plusieurs catégories de problèmes, dont "intoxication alimentaire", et à remplir un questionnaire.

"Les retraits/rappels peuvent faire suite à l'action spontanée des opérateurs, à des enquêtes réalisées par la DGCCRF, par exemple à la suite d'un signalement de consommateur, ou à des notifications européennes, via les réseaux d'alerte européen Rapex (pour les produits industriels) et RASFF (pour les produits alimentaires). Les mesures de rappel peuvent aussi être imposées par nos services par le biais de mesures de police administratives (par arrêté préfectoral ou ministériel)", résume à franceinfo la répression des fraudes.

3Quel est le rôle des autorités sanitaires ?

En France, une partie de la veille sanitaire repose sur la participation bénévole d'un très grand nombre de laboratoires de biologie médicale, invités à "transmettre systématiquement" au Centre national de référence (CNR) des Escherichia coli, Shigella et Salmonella de l'Institut Pasteur toute souche de ces bactéries. Si les microbiologistes du CNR constatent "l'apparition de souches génétiquement identiques", ils adressent un signalement aux épidémiologistes de Santé publique France (SPF), "qui décident des investigations à mener auprès des patients concernés", précise à franceinfo Sophie Lefèvre, responsable adjointe du CNR de l'Institut Pasteur.

C'est ce qui s'est passé dans l'affaire des pizzas surgelées Buitoni. Santé publique France et le CNR ont enquêté ensemble sur l'augmentation du nombre de cas de syndrome hémolytique et urémique (SHU) et d'infection grave à Escherichia coli, signalés depuis début février. Puis, ils "ont confirmé un lien entre plusieurs cas [de SHU] et la consommation" des pizzas surgelées de la gamme Fraîch'Up de Buitoni. Mise devant le fait accompli, la marque a pris la décision de "procéder à un rappel immédiat de l'ensemble des pizzas surgelées Fraîch'Up", le 18 mars.

En ce qui concerne les chocolats Kinder rappelés, "tout a commencé le 17 février par une prise de contact du Royaume-Uni avec le CNR et SPF pour signaler une épidémie en cours sur leur territoire", relate Sophie Lefèvre. "Ils nous ont demandé si nous avions détecté des cas similaires en France", précise-t-elle. Après analyses, les souches humaines de Salmonella françaises se sont révélées identiques à la souche britannique, poursuit la responsable adjointe du CNR. Ce qui a conduit l'entreprise Ferrero à procéder, le 5 avril, au rappel de plusieurs produits Kinder.

Plus généralement, le personnel réalisant des contrôles sanitaires sur les aliments est rattaché au ministère de l'Agriculture (DGAL), au ministère de l'Economie (DGCCRF) et au ministère de la Santé. Or leurs moyens humains "ne permettent pas de couvrir, par un contrôle de premier niveau, une part significative des établissements de certains secteurs", notait la Cour des comptes en 2019.

4Que se passe-t-il après un rappel ?

A nouveau, la répression des fraudes intervient. "La gestion des risques en cas d'urgence conduit la DGCCRF à mener des interventions rapides pour faire cesser les dangers avérés", précise son site internet. "Nous agissons notamment à la suite des signalements de consommateurs ou des autorités sanitaires et procédons dans ce cas à des investigations au sein de l'entreprise concernée", détaille, dans Le Parisien, Rémy Slove, porte-parole de la répression des fraudes.

Ainsi, des agents de la répression des fraudes, accompagnés de la direction départementale de la protection des populations (DDPP) ont réalisé "deux inspections d'hygiène approfondies" les 22 et 29 mars au sein de l'usine Buitoni de Caudry (Nord), précise la préfecture du Nord à l'AFP. Ces inspections "ont mis en évidence un niveau dégradé de la maîtrise de l'hygiène alimentaire dans l'usine de Caudry, qui a justifié la prise d'un arrêté de cessation des activités industrielles de production dans l'usine". L'arrêté pointe "la présence de rongeurs", ainsi que le "manque d'entretien et de nettoyage des zones de fabrication, de stockage et de passage".

Mais les agents de la répression des fraudes ne sont pas les seuls à effectuer des contrôles : 6 000 agents de différents organismes publics réalisent 144 000 contrôles par an (données de 2019) sur des sites français et 126 000 à l'importation, selon le rapport du Plan national de contrôles officiels pluriannuel de la France (PNCOPA).

5Et si l'entreprise refuse d'effectuer un rappel, quelles sont les sanctions ?

Si la DGCCRF constate que les procédures de rappel ou de retrait des ventes ne sont pas mises en œuvre, l'article L.452-5 du Code de la consommation dispose que le professionnel encours cinq ans d'emprisonnement et une amende de 600 000 euros. Ce montant peut être porté à 10% du chiffre d'affaires moyen annuel.

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