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Les aliments "ultratransformés" favoriseraient le cancer ? On vous explique pourquoi il est encore trop tôt pour le dire

Une étude, publiée dans le "British Medical Journal", le 15 février, montre un lien entre la consommation de plats industriels et l'augmentation de risques de cancer. Mais des précautions sont à prendre sur l'interprétation de ce constat. 

Article rédigé par Louis San
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 2 min
Une femme au rayon surgelés d'un supermarché de Bordeaux (Gironde), le 21 février 2013. (JEAN-PIERRE MULLER / AFP)

Le danger est-il dans nos assiettes ? Une étude française publiée le 14 février dans le British Medical Journal (en anglais) montre un lien entre la consommation de plats industriels et la hausse du risque de cancer. "Une augmentation de 10% de la proportion d'aliments ultratransformés dans le régime alimentaire s'est révélée être associée à une augmentation de plus de 10% des risques de développer un cancer (...) et un cancer du sein en particulier", écrit l'Inserm.

La publication de l'étude a été suivie par une vague d'articles aux titres alarmistes. Franceinfo explique pourquoi il faut (pour l'instant) prendre des précautions avec cette étude et éviter les raccourcis.

Parce que la notion d'aliments "ultratransformés" est floue

Les chercheurs disent s'être intéressés aux produits "ultratransformés". Cette terminologie désigne, pour eux, des produits alimentaires industriels. Ils citent notamment les pains, les sucreries, les desserts, les céréales, les boissons sucrées, les viandes transformées (boulettes, nuggets, jambon avec additifs, etc.), les pâtes et soupes instantanées, les plats surgelés ou en barquette.

Pour l'Association nationale des industries agroalimentaires (Ania), cette définition est "arbitraire". "Cela part du postulat que les aliments industriels ont une composition nutritionnelle différente des produits artisanaux ou faits à la maison. Or le principe de la cuisine, c'est la transformation des aliments, que ce soit par les consommateurs, les industriels ou au restaurant", fait-elle valoir. Tout comme Tom Sanders, professeur en diététique du King's College de Londres, qui ajoute dans Science Media Centre (en anglais) que la terminologie de produits "ultratransformés" est "peu utilisée par les scientifiques de la nutrition".

Parce que ce ne sont que de premiers résultats

Les bémols émanent des auteurs de l'étude directement impliqués. "Il ne faut pas du tout être alarmiste sur ces résultats, c'est vraiment une première étude", a déclaré sur franceinfo Mathilde Touvier, chercheuse à l’Inserm en épidémiologie nutritionnelle et qui a coordonné cette enquête. "Nous sommes encore à la phase initiale, où l'on cherche à établir une relation entre une maladie et son facteur", déclare l'ancien professeur de médecine Claude Got dans les colonnes de Libération.

Le BMJ, lui aussi, rappelle dans un éditorial (en anglais) qu'il ne faut pas tirer de conclusions hâtives de l'étude publiée dans ses colonnes. La revue estime que cette étude "mérite une exploration attentive et plus poussée". Le BMJ souligne que des facteurs doivent être pris en compte comme "le tabagisme et une activité physique faible sont bien plus répandus chez les participants qui consomment une plus grande proportion d'aliments ultratransformés". Est-ce donc bien ces derniers qui les exposent à davantage de cancers ?

Parce que le lien de causalité n'est pas établi pour le moment

"Pour l'instant, la corrélation entre cancer et produits chimiques de synthèse est purement statistique ; il n'y a pas de rapport de causalité", affirme Claude Got. Un constat partagé par Mathilde Touvier.

On n'a pas conduit ce que l'on appelle un essai randomisé qui permettrait d'établir le lien de cause à effet entre aliments ultratransformés et risque de cancer.

Mathilde Touvier, chercheuse à l'Inserm

à franceinfo

En clair, "pour établir le lien de causalité, il faudrait que l'on puisse donner des aliments ultratransformés à des personnes et un placebo à un autre groupe", poursuit-elle. Sauf que "les produits chimiques sont omniprésents", rappelle Claude Got. Pour lui, "il sera difficile et long de développer les recherches proposées par les auteurs de cette étude pour identifier les facteurs de production de ces cancers"

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