Une victoire symbolique des pro-russes en Moldavie
À l'extrême est de l'Europe, la Moldavie a donné la victoire électorale à un parti pro-russe lors du scrutin législatif. C'est un revers pour l'Union européenne.
Moscou doit se frotter les mains : la Russie vient de marquer un point dans la lutte d’influence qui l’oppose à l’Union européenne dans tout l’est du continent. Le parti socialiste pro-russe est en effet sorti en tête du scrutin, avec 31% des voix, devant l’Alliance pro-européenne à 26% et le parti dit "démocrate" au pouvoir (24%), parti devenu un peu inclassable après s’être fâché avec l’Europe.
La Moldavie est toute petite, à peu près la taille de la Normandie, avec trois millions et demi d’habitants, et elle est coincée entre l’Ukraine et la Roumanie. Elle est petite mais c’est un symbole fort : c’est un peu une mini Ukraine, tiraillée entre l’est et l’ouest depuis des décennies. L’une des régions moldaves, la Transnistrie, a même fait sécession pour se placer dans le giron de la Russie. C’est un conflit gelé, comme dans l’est de l’Ukraine. Le parti pro-russe ne pourra pas gouverner seul, et il n’y a pas de majorité claire en Moldavie à l’issue de ce scrutin, mais c’est quand même une victoire pour Moscou. Fin janvier, Vladimir Poutine avait d’ailleurs eu l’habileté de lever l’embargo sur les fruits et légumes en provenance de Moldavie, ça a peut-être pesé.
L'Europe a longtemps fermé les yeux sur la corruption
Mais c'est bien plus un échec européen qu’une victoire russe, c’est ça le plus troublant. Les Européens devraient le regarder attentivement. Les électeurs ont avant tout sanctionné le parti au pouvoir longtemps soutenu par l’Union européenne. Bruxelles a investi près d’un milliard d’euros en Moldavie depuis dix ans. Mais a longtemps oublié de surveiller où allaient les fonds dans ce pays, l’un des plus pauvres d’Europe. Le problème, c’est que les fonds ont alimenté d’abord la corruption, les oligarques au pouvoir, voire la mafia. Beaucoup d’argent semble avoir été détourné. La fraude électorale s’est instituée. L’Union européenne a mis beaucoup de temps à se réveiller : ce n’est que l’an dernier, après une énième affaire, concernant la mairie de la capitale Chisinau, qu’elle a fini par geler 100 millions d’aide. Le problème, c’est qu’entre temps, de nombreux électeurs moldaves ont eu le temps d’associer l’Union européenne à la corruption. La sanction est donc tombée dans les urnes. Dans cette affaire, l’Europe a donc perdu des plumes.
L'Ukraine va voter à son tour fin mars
La lutte d’influence va continuer. Économiquement, la Moldavie va continuer de dépendre d’abord de l’Europe : plus de 60% de ses échanges se font avec l’Union, contre seulement 10% avec la Russie. Mais politiquement, un gouvernement plus favorable à Moscou pourrait s’installer. Pour la Russie, c’est un enjeu majeur. Moscou redoute de voir ses anciens satellites de l’époque soviétique basculer les uns vers l’Europe (comme l’Ukraine ou la Géorgie), les autres vers la Chine (comme l’Ouzbékistan ou le Turkménistan). Surtout, la Moldavie a un côté mini-Ukraine. Or en Ukraine, les élections sont prévues pour le 31 mars. Avec un enjeu beaucoup plus important dans cette lutte d’influence.
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