Un groupe de rock russe, opposé à la guerre, est menacé d'expulsion en Thaïlande

Les membres du groupe de musique Bi-2 ont été arrêtés par la police thaïlandaise, la semaine dernière et les autorités menacent de les expulser en Russie. Les artistes russes exilés ne sont en sécurité nulle part.
Article rédigé par Olivier Poujade
Radio France
Publié
Temps de lecture : 4min
Le groupe de rock, Bi-2, lors d'un concert à Estoril, au Portugal, le 6 juillet 2023. (HORACIO VILLALOBOS / CORBIS NEWS / GETTY IMAGES)

C'est une arrestation que l'on peut qualifier d'excès de zèle de la part de la police locale thaïlandaise, à la suite d’un concert donné dans la station balnéaire de Phuket, au sud du pays. Les musiciens d’un groupe de rock russe ont été interpellés et placés en détention, a indiqué une source policière le 24 janvier à l'AFP. Le gouvernement prévoyait même de les expulser vers leur pays d’origine, la Russie. On leur reproche de s’être produits sur scène sans visa de travail.

Une situation assez banale en Thaïlande, qui se règle généralement en payant une grosse amende, après avoir passé une petite nuit en prison. Mais cette fois-ci, la police thaïlandaise menace d'expulser vers Moscou, les membres du groupe, russo-bélarusse, Bi-2. Il s'agit de l’un des groupes les plus récompensés en Russie, mais considéré par le Kremlin comme un "agent de l’étranger". Une désignation réservée aux personnalités critiques vis-à-vis de la politique de Vladimir Poutine. Depuis, plusieurs organisations de défense des droits de l’homme se sont manifestées auprès du gouvernement thaïlandais. Elles rappellent que les membres de Bi-2 risquent, au minimum, de la prison ferme s’ils sont renvoyés en Russie.

Le gouvernement thaïlandais se retrouve désormais sous une intense pression diplomatique exercée par plusieurs pays. Tout d'abord Israël, puisque quatre des sept membres de Bi-2 disposent d’un passeport israélien. Le chanteur du groupe Igor Bortnik, la cible principale du Kremlin, a d’ailleurs été exfiltré, dans la nuit du 30 janvier, vers Tel-Aviv et n’est donc plus menacé. Mais lorsque les diplomates israéliens ont tenté la même opération avec les autres musiciens, les autorités thaïlandaises ont refusé de les libérer.

Une liste noire d'artistes établie par le Kremlin

La Russie fait également pression sur les autorités thaïlandaises. Juste après l’intervention des membres de l’ambassade israélienne, des diplomates russes se sont présentés dans les locaux de la police thaïlandaise. Cette intervention en Thaïlande a fini de convaincre le journaliste russe en exil, Mikhail Kozyrev, que le Kremlin n’a pas abandonné sa chasse aux artistes opposants, où qu’ils se trouvent dans le monde. "Maria Zakharova, l’actuelle ministre des Affaires étrangères, a exprimé le souhait que ces dissidents soient renvoyés chez eux, dès que possible, car elle les accuse de soutenir le terrorisme. Tout cela fait partie d’une opération spéciale, que l’on peut comparer à une revanche politique, contre ces artistes qui sont contre Poutine et contre la guerre", explique le journaliste.

Selon un témoignage anonyme publié par le Guardian, une liste noire d’artistes, que souhaite récupérer le Kremlin, a même été fournie aux autorités thaïlandaises. Ces dernières ont d'ailleurs déjà sanctionné des artistes ouvertement opposés à la guerre. Elles ont, notamment, décidé d’annuler les spectacles de Maxim Galkin et Ruslan Beliy, deux humoristes très populaires en Russie. L’ONG Amnesty International a dénoncé cette chasse aux sorcières, lancée par la Russie depuis de nombreuses années, et qui s’est intensifiée depuis le début du conflit ukrainien. Un sujet qui est prioritaire pour Vladimir Poutine, à la lumière de la pression exercée aujourd’hui sur le gouvernement thaïlandais.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.