Turquie : le pays se prépare à la célébration des 100 ans de la République

La Turquie se prépare à célébrer les cent ans de sa République, dimanche 29 octobre. Retour sur un siècle de démocratie de Mustafa Kemal à Recep Tayyip Erdogan.
Article rédigé par Julie Pietri
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3 min
Un arrêt de bus à Istanbul, décoré pour les célébrations des 100 de la République. (ERDEM SAHIN / MAXPPP)

Le 29 octobre 2023, il y a cent ans, la République turque a été proclamée. Celle-ci est née sur les cendres d'un gigantesque empire, l'Empire ottoman, allié de l'Allemagne pendant la Première Guerre mondiale et qui, après la défaite, est démantelé par les Alliés, la France, le Royaume-Uni ou l'Italie. Une humiliation que les nationalistes n'acceptent pas. Un homme, Mustafa Kemal Atatürk, prend la tête de la révolte. En 1923, il devient le libérateur, le père des Turcs et la République est fondée.

Kemal a fait entrer la Turquie dans la modernité. Il était tourné vers l'Occident, il a donné le droit de vote aux femmes et il prônait la laïcité à la turque, c'est le religieux soumis aux politiques. Il a été aussi un dirigeant autoritaire qui a transformé le pays à marche forcée en à peine dix ans. L'appel à la prière du mufti ne se fait plus en arabe, mais en turc, les écoles coraniques ferment comme les tribunaux religieux. Dans la rue, le traditionnel fez ottoman est remplacé par le chapeau haut de forme. Le voile est interdit dans l'espace public.

Une République construite dans des bains de sang

Le nationalisme turc s'appuie sur l'idée d'une nation unie, homogène. Tout ce qui peut menacer cette unité est écrasé quelques années avant la proclamation de la République. En 1915, c'est le génocide des Arméniens. Près d'un million et demi de personnes sont tuées. Dans les années qui suivent, les spoliations, et les persécutions de chrétiens continuent. Dans sa lutte pour accéder au pouvoir, Mustafa Kemal s'entoure aussi de nombreux génocidaires. Les Kurdes sont aussi réprimés dans le sang, comme les Alévis, minorité musulmane de Turquie.

Mustafa Kemal, comme Recep Tayyip Erdogan cent ans plus tard, refuse de parler de génocide arménien. Même si l'actuel président turc a présenté ses condoléances aux descendants des victimes, le tabou est encore reproduit aujourd'hui sur les bancs des écoles. Erdogan et Kemal, les deux figures de la République turque, ont en commun leur autoritarisme, mais ont deux visions de la Turquie différentes. Une Turquie, laïciste et occidentalisée pour Kemal, et une Turquie réactionnaire, islamiste et en confrontation avec l'Occident pour Erdogan.

Erdogan se voit d'ailleurs comme un père de la Turquie lui aussi et souhaite marquer l'histoire comme l'a fait son prédécesseur. Il rêve de grandeur de l'empire perdu. Il parle des "frontières de cœur" de la Turquie qui englobent, dit-il, la Syrie ou l'Irak. Il est un successeur et un concurrent de Kemal, qui garde malgré tout une aura puissante et incontournable en Turquie.

Chaque année, le 10 novembre, à l'heure de la mort de Mustafa Kemal, le pays lui rend hommage. Pour les cent ans de la République, pourtant, les célébrations ne sont pas annoncées hors norme ou époustouflantes. Il y aura tout de même des fêtes à Istanbul, à Ankara ou à Izmir avec des illuminations, des feux d'artifice et des spectacles de drones au-dessus du Bosphore.

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