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Tensions entre la Grèce et la Turquie en Méditerranée : les européens fournissent un appui technique ou militaire à l'un comme à l'autre

Le bras de fer entre la Grèce et la Turquie en Méditerrannée orientale peut potentiellement donner lieu à un imbroglio au sein de l'Union européenne, sur fond de vente de bâtiments militaires aux deux pays.

Article rédigé par franceinfo
Radio France
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Une image de frégate Belharra fournie par Naval Group (ex DCNS), 18 octobre 2016. (HO / DCNS)

Moins de deux semaines après l'annonce du fiasco des sous-marins vendus à l'Australie, dont le contrat a été unilatéralement rompu par les Australiens, la France annonçait mardi 28 septembre un succès à l'export pour le fabricant national Naval Group avec la commande par la Grèce de 3 frégates de dernière génération. L'ambition est de rétablir en Méditerranée orientale un rapport de force favorable. Avec ces trois frégates de défense et d'intervention (FDI), la Grèce rétablit un peu l'équilibre avec la marine turque en face de qui elle multiplie les ronds dans l'eau. À terme les Grecs disposeront de 16 frégates, faisant jeu égal avec la marine turque au moins quant à ce type de bâtiments. Ces deux dernières années le face-à-face gréco-turc a pris un tour de plus en plus offensif, deux bâtiments de guerre sont même entrés en collision en août 2020.
La marine turque a mis les bouchées doubles en matière d’équipement, multipliant les commandes de navires et la Grèce a du mal à suivre même en doublant son budget d'équipement de défense cette année.

Alliance bilatérale entre la France et la Grèce

Cette commande de trois navires français par la Grèce a été présentée par la France comme un renforcement des moyens d'une "souveraineté européenne" en Méditerranée orientale. Et ce d'autant plus qu'au-delà de la vente de ces frégates, Paris annonçait aussi la signature d'une alliance bilatérale entre les deux pays. En clair si la Grèce entrait en conflit militaire - par exemple avec la Turquie - la France volerait et voguerait à son secours immédiatement, engageant à son tour les hostilités contre l'adversaire des Grecs. Une telle obligation d'assistance militaire est déjà au cœur de l'Alliance atlantique, l'OTAN, dont les deux pays font partie. Comme la Turquie est elle-aussi membre de l'OTAN, elle pourrait parfaitement invoquer elle-aussi l'obligation d'aide des autres pays, si elle entrait en conflit… avec qui que ce soit.

L’accord France-Grèce ambitionne donc de bâtir l’embryon d’une alliance plus étroitement "européenne". Sauf qu’en la matière rien n'est simple : les autres pays européens ne sont pas tous clairement rangés derrière la Grèce. Autant la France a clairement pour ainsi dire "choisi son camp", autant les Italiens les Espagnols ou les Allemands sont beaucoup moins en pointe sur le sujet. Les Allemands en particulier qui ont d'autres intérêts : en Turquie justement !

Des intérêts différents 

Dans le même temps où France et Grèce finalisaient leur accord pour la livraison de ces trois frégates - la première devant être livrée en 2025- Turquie et Allemagne signaient un autre contrat d'équipement militaire : l'Allemagne fournissant à la Turquie six sous-marins flambant neufs. Le premier sera intégré à la flotte d'Ankara l'an prochain.

Lorsque tous ces bâtiments seront opérationnels on pourra donc observer en Méditerranée orientale un nouveau face-à-face très "européen" avec des frégates de fabrication française armées par les Grecs, donnant la chasse aux sous-marins allemands armés par les Turcs. Avec, au total, un bel imbroglio - typiquement européen diront certains.

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