Rio Grande : à la frontière entre le Mexique et les États-Unis, le partage des eaux devient une affaire d’État

Sur le Rio Grande, un traité datant de 1944 fixe les règles sur le partage des eaux entre les deux pays, suivant les méandres de l'immense fleuve frontière. Mais les volumes indiqués et attendus sont-ils toujours d'actualité avec l'assèchement du fleuve ?
Article rédigé par Olivier Poujade
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3 min
Vue aérienne du Rio Grande en 2018. Photo d'illustration (IVANASTAR / E+)

Sur le Rio Grande, l’un des plus longs fleuves du continent américain, les méandres multiples ont obligé les États-Unis et le Mexique à s’accorder sur le partage de ses eaux. Un traité datant de 1944 fixe les règles, notamment une où le Mexique s’engage à libérer deux millions de litres d’eau en direction du Texas, lorsque le fleuve repasse la frontière.

Des cultures de cannes à sucre asséchées

D'après le vieux traité, le compte n’y est pas. Le Texas n’a reçu que la moitié du volume d'eau prévu dans l’accord et les producteurs texans de canne à sucre sont furieux. Certaines exploitations ont déjà fait faillite, d’autres estiment qu’ils n’auront pas assez d’eau pour lancer leur prochaine récolte. Leur premier réflexe a été d’accuser leurs voisins mexicains qui ne respectent pas leurs engagements. Et la querelle est en train de virer à la crise diplomatique. Des élus du Texas, dans une lettre adressée à Washington au ministère des Affaires étrangères, demandent à la diplomatie américaine de suspendre les aides accordées au Mexique.

L’élue républicaine Monica De La Cruz réclame des sanctions : "Notre diplomatie a plein d’outils à sa disposition, pour forcer ou encourager vivement le Mexique à nous donner notre eau. Mais il ne l’a pas fait." Cette députée républicaine en profite pour s’en prendre au gouvernement américain démocrate. On est en campagne électorale aux États-Unis et l’équation est vite faite. Le mécontentement des planteurs de canne est un excellent filon pour récupérer des votes aux prochaines élections.

Un fleuve épuisé par le pompage

Mais tenir le Mexique comme seul responsable ne tient pas compte d'un état plus global de la situation. Le fond du problème est que le vieux Rio Grande est épuisé, fatigué qu’on pompe ses eaux aussi intensément des deux côtés de la frontière. C’est avant tout le constat que fait cette scientifique de l’Institut de recherche des ressources hydriques du Texas : "Les sources ont perdu 83% de leur flux d’origine depuis 1990. Les sources se tarissent à cause de l’accélération du rythme de croissance, de consommation, et elles sont en plus impactées par le changement climatique."

Si l’on part du principe que la nature n’a pas de frontière, le Mexique et les États-Unis sont affectés de la même manière par l’assèchement du fleuve. La pénurie d’eau est un problème sérieux depuis de longues années, notamment à cause de certaines entreprises américaines. Dans le Chiapas, la délocalisation des usines Coca-Cola a ravagé les nappes phréatiques et des communautés entières ont été privées d’eau potable. Surexploitation, réchauffement climatique… Avant de s’accuser entre voisins, la première question est de savoir si les volumes d’eau indiqués dans un traité datant de 1944 sont toujours pertinents à notre époque.

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