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Le déclin de l'icône Aung San Suu Kyi

Tous les jours, dans "Un monde d’avance", un coup de projecteur sur une actualité à l’étranger restée sous les radars. Aujourd’hui, direction la Birmanie où l'étoile de la prix Nobel de la Paix, Aung San Suu Kyi, pâlit un peu plus chaque jour.

Article rédigé par franceinfo
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Lors de sa première apparition publique depuis la publication du rapport de l'ONU évoquant un "génocide" des Rohingyas, Aung San Suu Kyi a parlé littérature et poésie (28 août 2018). (YE AUNG THU / AFP)

Un document est passé un peu inaperçu en France. Il s'agit du Report of the Independent Fact finding mission on Myanmar, un rapport de l’ONU publié cette semaine sur les exactions contre la minorité musulmane des Rohingyas en Birmanie. Vingt pages absolument cinglantes.

Le drame a débuté il y a un an pile dans ce pays d’Asie du sud-est à majorité bouddhiste et d’une taille comparable à la France : offensive de l’armée contre les rebelles rohingyas, exactions en série, et un exode massif vers le petit Bangladesh voisin : 700 000 Rohingyas réfugiés en un an.

Parmi les conclusions du rapport établi par trois juristes expérimentés, figure à la page 16 un mot en tête de page : "Génocide". Oui, les enquêteurs de l’ONU soupçonnent l’armée birmane d’avoir planifié et systématiquement massacré les Rohingyas dans une opération de "nettoyage ethnique". C’est donc bien une qualification potentielle de génocide. Le mot est fort et très rarement utilisé par l’ONU. Et cela pourrait conduire à la création à terme d’un tribunal pénal international, comme autrefois pour l’ex-Yougoslavie.  

En quoi Aung San Suu Kyi est-elle concernée ?

En résumé, le chef des enquêteurs de l’ONU lui reproche d’avoir "fermé les yeux". Aung San Suu Kyi est l’une des femmes les plus emblématiques de la lutte pour la démocratie : opposante historique, en résidence surveillée pendant 16 ans, Nobel de la paix en 1991, finalement libérée, et vainqueur des élections en 2015. Depuis elle dirige le gouvernement, mais elle doit composer avec les militaires, qui contrôlent le pays. Le problème c’est qu’elle semble composer un peu trop.

Pour l’ONU, elle aurait dû "utiliser son autorité morale" pour empêcher les massacres de Rohingyas. Mais Aung San Suu Kyi se tait. Elle ne s’est jamais engagée sur le sujet. Et mardi, lors de sa première apparition après la publication du rapport de l’ONU, elle s’est contentée de parler de littérature et de poésie. Quant au porte-parole du gouvernement, il a rejeté le rapport en bloc.

Mercredi soir, le comité Nobel a précisé qu’Aung San Suu Kyi conserverait son prix mais son aura en prend un sacré coup.

Pour les Rohingyas, c’est l’impasse et le statu quo. Il en reste 140 000 en Birmanie, parqués dans des camps avec un accès très limité à l’éducation et à la santé. Et il y en a donc plus de 700 000 au Bangladesh voisin, là encore dans des camps, avec malgré tout des conditions de vie un peu meilleures grâce à l’aide internationale. Mais sans aucune perspective de solution.  

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