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La grande rivalité Qatar/Émirats, arrière-plan du match entre le PSG et Manchester City

La demi-finale de la Ligue des champions entre le PSG et Manchester City est plus qu’un match de football. Il s’y joue également une rivalité géopolitique entre frères ennemis du Golfe persique, propriétaires respectifs des deux clubs.

Article rédigé par franceinfo - Jean-Marc Four
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Manchester City après sa victoire en Coupe de la Ligue anglaise en avril 2021 (gauche) et le PSG après avoir remporté le Trophée des champions, en janvier 2021 (droite). (ADAM DAVY / PRESS ASSOCIATION IMAGES / MAXPPP / DENIS CHARLET / AFP)

Le PSG et Manchester City sont les joyaux de la couronne pour les deux ennemis du Golfe avec deux situations assez comparables. Le Qatar d'abord, via Qatar Sports Investment, a racheté le PSG il y a dix ans. On estime qu’il y a investi entre 1,5 milliard et deux milliards d’euros. Son patron est donc le qatari Nasser Al-Khelaïfi, très lié à l’émir du Qatar Hamad Al Thani. Effet miroir avec Manchester City : mais là ce sont les Émirats arabes unis, et en particulier leur capitale politique Abu Dhabi. La structure s’appelle Abu Dhabi United Group, qui a racheté Manchester il y a 13 ans et créé autour du club le City Football Group. Là encore, les investissements sont estimés autour de deux milliards d’euros. Le patron, Khaldoon al Moubarak, est directement lié au prince émirati Mohammed Ben Zayed.

Il y a quand même une petite différence entre les deux projets. Les Émirats sont en train de construire, autour de Manchester City, une multinationale 100% football avec une dizaine de clubs, un peu partout sur la planète, en Australie, en Chine, en Inde, au Japon, aux États-Unis, en Uruguay, au total près de 2 000 salariés, 1 500 joueurs. Alors que le Qatar est dans une démarche sportive un peu plus large, un peu plus ambitieuse encore, à 360 degrés. Avec bien sûr l’organisation de la Coupe du monde de football fin 2022 et la constitution d’un groupe de médias lié au sport, BeIN Sports.

Deux pays en rivalité ouverte

Les deux pays pèsent à peu près la même chose : deux millions et demi d’habitants pour le Qatar, un million et demi pour Abu Dhabi, neuf millions si on compte l’ensemble des Émirats. Ils sont voisins, à l'est de l’Arabie Saoudite : le Qatar juste au nord des Émirats. Ils ont failli appartenir au même pays, mais en 1971, lors de leur indépendance respective, le Qatar a choisi de faire cavalier seul, à l’écart de la toute nouvelle fédération des Émirats arabes unis.

Ce sont des puissances économiques comparables, fondées l’une sur le pétrole (les Émirats), l’autre sur le gaz (le Qatar). Et ils sont rivaux. Les deux familles régnantes sont en mauvais termes. Surtout, les dernières années ont été très tendues. À partir du moment où en juin 2017, les Émirats, avec l’Arabie saoudite, ont imposé un blocus économique total au Qatar, qu’ils accusaient de soutenir l’Iran et le terrorisme islamiste. Le Qatar a tenu, le blocus n’a conduit nulle part, et les frontières ont fini par rouvrir il y a trois mois. Mais la crise a laissé beaucoup de séquelles. Le Qatar regarde, non sans raison, Abu Dhabi comme l’instigateur de cet embargo, la rancune est tenace. Elle ne va pas disparaître de sitôt.

Une compétition d'image et une compétition économique

Le Qatar et Abu Dhabi se livrent donc un conflit par procuration à travers leurs propriétés sportives européennes. Il s’agit d’affirmer sa suprématie dans le Golfe en gagnant sur la pelouse en Europe. C’est politiquement d’autant plus efficace que les deux équipes, elles, ont une image politiquement neutre. C’est adroit et plus efficace. L’objectif numéro un donc, c’est le leadership géopolitique, symbolique, presque moral. C’est avec ces yeux-là que l’émir du Qatar Al Thani et le prince émirati Mohammed Ben Zayed regarderont le match. C'est sérieux : il y a cinq ans, l’entraîneur du PSG Laurent Blanc est passé à la trappe après une défaite contre Manchester City, pourtant pas la plus déshonorante de l’histoire récente du club.

Pour affirmer cette suprématie, il faut donc aller au bout : remporter la Ligue des champions, rejoindre Chelsea, propriété russe et vainqueur en 2012, seul club de "parvenus nouveaux riches", à avoir brisé à ce jour l’hégémonie des grands clubs européens historiques, le Real, le Bayern, la Juventus, etc. Le calcul est aussi économique bien sûr. Le Qatar et les Émirats espèrent récupérer leurs mises, gagner de l’argent avec ces clubs. Ne serait-ce qu’en vendant des maillots partout dans le monde avec ce logo de la Tour Eiffel, qui est un outil marketing imparable pour le PSG. De la même manière, le Qatar ne fait pas dans la philanthropie en organisant la Coupe du monde de football dans un an et demi. Il compte sur les contrats des gros sponsors privés pour gagner de l’argent. Donc les enjeux économiques sont présents. Mais ils sont secondaires. C’est d’abord une rivalité symbolique.

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