La communauté indigène est dans les rues en Équateur après le 1er tour de la présidentielle
La population d’origine indienne demande un recomptage des urnes dans ce pays d'Amérique du Sud. Le candidat indigène et écologiste affirme s'être qualifié pour le second tour.
Dans ce petit pays de 17 millions d’habitants, coincé entre la Colombie et le Pérou, toute la question c’est de savoir qui est arrivé 2ème après le scrutin du dimanche 7 février. Il n’y a aucun doute sur le premier : c’est le candidat de gauche Andres Arauz, 32% des voix, qualifié pour le second tour de l'élection présidentielle, prévu le 11 avril. Mais derrière, c’est très serré : gros suspense et grosse colère de la communauté indienne. Au coude à coude, le candidat de droite libérale Guillermo Lasso et le candidat indigène Yaku Perez, entre 19% et 20% tous les deux. Après les premiers dépouillements Perez l’indigène avait un léger avantage, mais au fil des heures, il a été doublé par Lasso pour quelques milliers de voix. Des centaines de manifestants sont alors descendus dans les rues, pour crier à la fraude et exiger un recomptage dans 7 provinces du pays, en particulier autour des deux plus grandes villes, Quito et Guayaquil. Le Conseil Électoral se réunit ce vendredi 12 février pour trancher..
Le pétrole ou l'écologie
Yaku Perez a 51 ans, c’est un avocat de formation, le cheveu long noué en katogan et le regard charismatique. Son vrai prénom c’est Carlos, mais il l’a changé en Yaku qui veut dire "l’eau" en langue quechua. A la tête du parti Pachakutik, il se pose en défenseur de la cause indienne (7 à 8% de la population dans le pays) mais son audience va bien au-delà comme en témoigne son résultat électoral. C’est surtout un militant écologiste, défenseur des plus démunis, opposant radical aux projets d’extraction pétrolière ou minière qui défigurent la forêt amazonienne ou les montagnes des Andes. Personne, au départ, n’aurait misé sur son éventuelle qualification pour le 2ème tour, et ce serait une épine dans le pied pour le candidat de gauche arrivé en tête. Andres Arauz préfèrerait sans doute affronter un rival classique de droite, plutôt que cet écologiste iconoclaste un peu inclassable. Arauz est en effet l’héritier d’une figure du socialisme latino-américain, Rafael Correa, réfugié en Belgique après avoir passé 10 ans au pouvoir à Quito, et surtout après avoir été condamné à 8 ans de prison dans un vaste scandale de corruption. Pour les indigènes et les écologistes, la gauche version Correa a trahi ses idéaux de départ en privilégiant une croissance économique classique au détriment de l’environnement. Tout compte fait, on n’est pas tellement éloigné de débats que l’on peut connaître aussi en Occident.
Endettement et prix des carburants
Et tout ça se produit dans un contexte économique très défavorable. L’image du président sortant, Lenin Moreno, est d’ailleurs catastrophique. Cet ancien allié du socialiste Correa a tourné casaque pour se convertir au libéralisme économique. Il laisse un pays fortement endetté, conséquence directe de la chute des cours du pétrole, avec une économie en récession, le tout sur fond de pandémie de Covid, 15.000 morts en Equateur. En 2019, le pays avait d'ailleurs été secoué par de très importantes manifestations en raison de la hausse du prix des carburants, imposée par le Fonds Monétaire international en contrepartie d’une aide financière. Derrière ce recomptage électoral se jouent donc des questions d’environnement, d’économie, d’identité.
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