Et si le Soudan réussissait là où les révolutions arabes ont échoué ?
Ce pays de l’est de l’Afrique est peut-être en train de vivre des heures historiques, avec la possibilité d'une transition pacifique entre un pouvoir militaire et un pouvoir civil.
Ce n’est pas encore fait, mais si cela aboutit, ce sera un événement. Le Soudan va peut-être réussir là où les révolutions arabes, à l’exception de la Tunisie, ont échoué. En ce mercredi 15 mai, et alors qu’il fait 45° dans les rues de la capitale Khartoum, les négociations ont repris dans ce pays de 43 millions d’habitants, grand comme trois fois la France. Ces négociations se déroulent entre les généraux du Conseil militaire de transition et les négociateurs civils de l’Alliance pour la liberté et le changement, essentiellement des médecins et des universitaires qui mènent la contestation depuis quatre mois.
Depuis le 12 mai, en 48 heures, les discussions ont fortement progressé. On s’oriente vers un gouvernement de transition pendant trois ans, le temps de laisser des partis politiques se constituer pour organiser des élections libres. Pendant cette période de transition, une Assemblée provisoire serait instituée, composée aux deux tiers de civils, et seuls les ministères de la Défense et de l’Intérieur pourraient être réservés aux militaires, qui contrôlent le pays depuis 30 ans. Une nouvelle séance de négociations est en cours, et elle pourrait déboucher sur un accord.
Cinq mois d'une mobilisation exemplaire
C’est le résultat de cinq mois de contestation d’une mobilisation exemplaire de maturité, de calme et de détermination. Tout a donc commencé fin décembre avec des émeutes contre la hausse du prix du pain. Mais très vite, la contestation s’est élargie, pour dénoncer l’inflation et les problèmes économiques en général, puis l’absence de liberté et de démocratie. Début avril, des centaines de milliers de personnes ont commencé à occuper le centre de Khartoum, avec beaucoup de femmes aux avant-postes. Et le 11 avril, il y a un mois, les militaires au pouvoir ont destitué puis emprisonné Omar El Bechir qui régnait d’une main de fer depuis 30 ans. Un Conseil militaire de transition a donc été mis en place et c’est lui désormais qui négocie la transition, toujours sous la pression de la rue.
La menace des miliciens
Cela dit, l’affaire peut encore mal tourner pour des tas de raisons. D’abord, tous ceux qui profitaient de l’ancien régime vont chercher à faire capoter le processus : les responsables islamistes qui s’étaient "arrangés" avec El Bechir, les services de renseignement, et surtout les miliciens de ce qu’on appelle les Forces de soutien rapide (une sorte d’armée dans l’armée). Ils sont soupçonnés d’avoir déclenché des affrontements avant-hier dans le centre de Khartoum. Ensuite, il y a les pays voisins : l’Egypte, l’Arabie Saoudite, les Emirats qui ne voient pas nécessairement d’un bon œil ce soulèvement démocratique à leurs portes.
Enfin, il y a ce qui a mis le feu aux poudres : la situation économique, le prix devenu inaccessible du riz, du sucre, de l’essence. Le pays manque de ressources. Et si l’économie ne redémarre pas, la démocratie aura du mal à s’installer. Il est donc trop tôt pour se réjouir, mais ce qui se passe au Soudan est quand même fascinant.
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