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En Tunisie, des associations évoquent un discours haineux et raciste qui se propage dans le pays

Le Président Kaïs Saïed tente d'assoir son pouvoir en jouant sur les peurs et l'idée d'un parti de l'étranger qui voudrait déstabiliser la Tunisie.
Article rédigé par franceinfo - Nathanael Charbonnier
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2 min
Des manifestants lèvent des pancartes lors d'une manifestation à Tunis le 25 février 2023, contre les propos  du président tunisien concernant les migrants illégaux. (FETHI BELAID / AFP)

Tout est parti d'une déclaration du Président Tunisien, Kaïs Saïed, qui a dénoncé, mardi 21 février, l'arrivée de "hordes de migrants clandestins" relevant, selon lui, d'une "entreprise criminelle pour changer la composition démographique de la Tunisie." Or depuis cette déclaration, le climat dans le pays s'est considérablement dégradé notamment pour les migrants noirs originaires du centre de l'Afrique.  
 
>>> "C'est une explosion de haine" : comment la Tunisie s'embrase autour de l'immigration subsaharienne après les propos du président Kaïs
 
Les tensions sont fortes et la peur s'installe. Si bien que de nombreux ivoiriens apeurés tentent de trouver refuge devant l'ambassade de leur pays, mais on peut ajouter aussi le rapatriement en urgence cette semaine de 50 Guinéens chez eux, ou encore les déclarations maliennes qui jugent la situation inacceptable pour leurs ressortissants. Alors pourquoi une telle panique ? À cause donc des déclarations du Président tunisien qui a décidé de faire des migrants, les boucs émissaires de la crise que traverse son pays. Kaïs Saïed, joue la carte du nationalisme, se plaint des migrants, accuse les partis de l'étranger de vouloir déstabiliser la Tunisie et parle surtout d'un grand remplacement, en sous entendant que bientôt, les Tunisiens seront minoritaires dans le pays.

L'inquiétude monte chez les migrants


Ce discours est suivi par la réactivation d'une loi de 1968 qui condamne ceux qui hébergent des migrants en situation irrégulière, notamment les migrants subsahariens. De nombreux étrangers se retrouvent par conséquent à la rue, expulsés de leurs logements. Les associations de lutte contre le racisme parlent d'un discours haineux et raciste qui se propage dans le pays. Ces mêmes associations accusent directement le Président tunisien d'être responsable de cette situation. C'est en effet la première fois qu'un tel discours est tenu au plus haut sommet de l'État. C'est cela qui fait peur car les déclarations du Président tunisien légitiment les propos et les attitudes racistes. On peut par exemple lire sur certains murs à Tunis des phrases du genre, "tuer les noirs". L'inquiétude monte chez les migrants qui traversent la Tunisie.
 
Il faut savoir que selon le forum tunisien pour les droits économiques et sociaux, il y aurait dans le pays un peu plus de 20 000 africains subsahariens pour une population de 12 millions d'habitants. Et cette déclinaison tunisienne du grand remplacement revendiqué par le Président tunisien arrive à un moment particulier. La Tunisie est en effet en crise et les promesses de Kaïs Saïed ne sont pas tenues. Il avait promis d'apporter plus de justice sociale, mais quatre ans après son élection il y a un sentiment d'échec. C'est en jouant sur les peurs et l'idée d'un parti de l'étranger qui voudrait déstabiliser le pays qu'il tente d'assoir son pouvoir dans une Tunisie qui semble repartir dans le passé. C'est à dire à l'époque ou la Tunisie ressemblait plus à une dictature qu'à une démocratie. Reste quand même que la société civile tunisienne existe encore, elle manifestera samedi 4 mars à Tunis contre son Président et sa politique. 
 

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