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En Inde, Twitter suspend des centaines de comptes sous la pression du pouvoir nationaliste

Le pouvoir nationaliste hindouiste a fait pression sur le réseau social pour suspendre des centaines de comptes liés à la contestation en cours des agriculteurs.

Article rédigé par franceinfo
Radio France
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Des agriculteurs bloquent des accès à New Delhi le 2 février 2021 pour protester contre la réforme agricole menée par le gouvernement. (PRAKASH SINGH / AFP)

L’injonction est venue du ministère de l’intérieur indien. Il a contacté Twitter ce lundi 1er février pour demander l’arrêt de plus de 250 comptes, tous liés à la contestation sociale en cours dans le pays. Depuis 2 mois, des dizaines de milliers d’agriculteurs manifestent contre la réforme en cours qui prévoit de libéraliser le marché agricole. Et la semaine dernière, ça a provoqué de violents affrontements avec la police de New Delhi.

Le gouvernement s’est donc saisi de cette opportunité pour demander la fermeture de tous les comptes qu’il accuse d’inciter à la violence. Twitter a d’abord obtempéré. Et ces comptes sont donc devenus inaccessibles le 1er février, en tous cas sur le sol indien. Parmi les comptes bloqués, ceux de plusieurs leaders de l’opposition et de dirigeants syndicaux, comme celui de Kisan Ekta Morcha, 178 000 abonnés. On pouvait y lire, mais uniquement en dehors de l'Inde "Notre compte Twitter est suspendu, le gouvernement cherche à faire taire la voix des paysans". Le réseau social a obéi parce qu’il risque des poursuites pénales s’il refuse de fermer ces comptes. Finalement, une réunion de conciliation a eu lieu avec le gouvernement et Twitter affirme avoir défendu le principe de la libre expression. Les comptes en question sont à nouveau accessibles depuis ce mardi 2 février.

Pressions contre les journalistes

Mais l’épisode est révélateur. Il s’inscrit dans un contexte de pressions croissantes du pouvoir indien contre les médias et les réseaux sociaux. Les médias, dès l’instant où ils critiquent le pouvoir nationaliste de Narendra Modi, sont dans la ligne de mire. Dans le dernier classement mondial de la liberté de la presse établi par Reporters sans Frontières, l’Inde n’est qu’au 142ème rang, sur 180. Lors des récentes manifestations, plusieurs reporters ont été inquiétés, l’un d’eux Mandeep Punia a été arrêté. Et parmi les comptes Twitter suspendus ce 1er février figurait celui d’un célèbre magazine d’investigation, The Caravan. Ça ressemble fortement à de la censure. Les pressions sur les réseaux sociaux ne cessent également de s’accroitre. Il suffit d’aller regarder le "Rapport annuel de transparence" de Twitter pour le comprendre : rien que sur les 6 premiers mois de l’an dernier, le pouvoir indien a demandé la fermeture de près de 2800 comptes. L’Inde, qui compte 500 millions d’internautes pour 1,4 milliard d’habitants, figure parmi les 5 pays où le réseau social reçoit le plus grand nombre de requêtes de fermetures de comptes. En l’occurrence, en Inde, l’an dernier, Twitter a obtempéré dans 14 % des cas.  

Un bras de fer sans fin avec les agriculteurs

Le but du gouvernement est de faire taire ce mouvement de contestation des paysans mais, pour l’instant, le bras de fer continue. Il y a toujours des dizaines de milliers de manifestants massés dans des camps de fortune aux portes de New Delhi qui bloquent bon nombre des accès à la capitale. Ces agriculteurs viennent pour la plupart du Pendjab, au Nord. Tous estiment que la réforme envisagée va favoriser les grands conglomérats agro-alimentaires, puisqu’elle mettra fin à la garantie des prix. La crise est aussi politique puisque le gouvernement régional de Delhi, contrôlé par l’opposition, soutient indirectement le mouvement. Bref, le premier ministre Narendra Modi est confronté à un défi majeur. 

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