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En Égypte, un journaliste emprisonné pour "promotion" de l'homosexualité après une interview

Emmanuel Macron sera en Egypte en fin de semaine, et c'est un pays où il ne fait pas bon parler publiquement de l'homosexualité et plus largement des droits de l'homme.

Article rédigé par franceinfo
Radio France
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Capture d'écran Youtube de l'émission "Bonne nuit" de Mohamed al-Gheiti sur LTC TV (DR)

C'est l’un des journalistes vedettes de la chaîne privée LTC en Égypte. Le présentateur télé Mohammed Al Ghiety a été condamné dimanche 20 janvier à un an de prison ferme et de travaux forcés pour "promotion de l’homosexualité". La justice lui reproche, simplement, d’avoir interviewé en août dernier un homme qui racontait sa vie de prostitution dans le milieu homosexuel. Ce témoin apparaissait de façon anonyme, le visage flouté, et expliquait "regretter être homosexuel". Pour compléter le tableau, le présentateur est lui-même réputé pour avoir régulièrement exprimé des opinions homophobes. Ça n’a pas empêché un avocat d’engager des poursuites contre Mohammed Al Ghiety. Cet avocat, c’est Samir Sabry, célèbre en Egypte pour pourchasser tout ce qui lui semble attenter à la morale. Et les tribunaux le suivent ! Même si l’homosexualité n’est pas officiellement illégale en Egypte, elle n’en est pas moins pourchassée, pour "débauche" ou "blasphème".

Arrestations en série dans les milieux de défense des droits de l'homme

Cet événement s’inscrit dans un paysage global de répression des homosexuels et de tous les défenseurs des droits de l’homme et cela ne cesse d’empirer. Dans cette grande Egypte de 100 millions d’habitants, la répression s’accroit et il devient impossible de formuler la moindre critique. Après cet épisode en août dernier, la télévision LTC a été fermée pendant deux semaines. Et depuis un an, des dizaines de personnes soupçonnées d’homosexualité ont été arrêtées. Pour enclencher la machine à répression, les autorités ont prétexté le fait qu’un drapeau arc-en-ciel, emblème de la communauté gay, avait été arboré lors d’un concert pop d’un groupe libanais.  

Du côté des militants des droits de l’homme, c’est pareil, près de 80 personnes ont été arrêtées en novembre dernier, uniquement parce qu’elles cherchaient à enquêter sur des arrestations précédentes. La presse est particulièrement touchée, les grands journaux privés sont muselés, plus de 30 blogueurs et journalistes sont derrière les barreaux. L’Egypte d’Abdel Fattah el Sissi a chuté au 161ème rang mondial dans le classement de la liberté de la presse établi par l’ONG Reporters sans frontières.  

Les armes françaises soupçonnées de servir à la répression

Et c’est dans cette Égypte que s’apprête à se rendre Emmanuel Macron. Le président français est attendu au Caire à partir de dimanche 27 janvier. Toutes les plus grandes ONG mondiales l’appellent à dénoncer cette répression. Mais il n’est pas sûr qu’il le fasse. L’Egypte est considérée par la France comme un ilot de stabilité dans la région et un allié dans la lutte contre le terrorisme islamiste, ce mardi encore d'ailleurs Le Caire annonce avoir tué 59 terroristes dans la région du Sinaï.   

Paris est même devenu le premier fournisseur d’armes de l’Egypte avec des avions Rafale, des navires Mistral et six milliards d’euros de contrats. Officiellement, ces armes sont destinées à la lutte contre le terrorisme, précisément dans le Sinaï, mais, et cela devient beaucoup plus troublant, de forts soupçons laissent penser que des armes françaises servent aussi à cette répression croissante des militants des droits de l’homme.  

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