Crise en Haïti : le chaos se propage et l'inertie politique se poursuit

Depuis la démission début mars du Premier ministre, Ariel Henry, le chaos règne en maître à Haïti. L'ONU, qui doit mettre en place un conseil de transition, affirme que les discussions progressent. Mais la population doute de l'efficacité d'une aide internationale.
Article rédigé par Olivier Poujade
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
La police patrouille dans les rues de Port-au-Prince à Haïti, le 20 mars 2024. (MENTOR DAVID LORENS / MAXPPP)

Des gangs, des milices d'autodéfense, refusent de se soumettre et réclament la formation d'un nouveau Conseil national. Jusqu'ici, aucune solution ne semble émerger et dans les quartiers, notamment ceux de la capitale Port-au-Prince, la violence est quotidienne, à tel point que le gouvernement américain a mis en place depuis le début de la semaine une rotation d'hélicoptères pour évacuer ses ressortissants. Chaque jour, une soixantaine de citoyens américains quittent Haïti, exfiltrés comme des soldats en zone de guerre. Une zone hors de contrôle que Catherine Russel, directrice de l'UNICEF, compare à la pire des fictions. "La situation est effrayante en Haïti, les gangs tiennent la capitale et les aéroports. On se croirait dans une scène de Mad Max", dit-elle.

Pourtant, l'ambassadrice de l'ONU, chargée de superviser la formation d'un conseil de transition, affirme que les discussions progressent. Mais c'est le genre de déclaration qui tient plus de l'optimisme volontaire, de la méthode Coué, que de l'analyse pragmatique des rapports de force entre la classe politique haïtienne, les chefs de gang qui contrôlent les rues et une population tétanisée par les assassinats, les enlèvements et les viols. La population est épuisée, particulièrement par les catastrophes récurrentes qu'a traversées le pays depuis plusieurs décennies. Tremblements de terre, ouragans, épidémies de Covid, de choléra… Des situations très souvent impossibles à gérer pour le pouvoir haïtien qui est instable. Un État sans ressource et une classe politique corrompue, qui s'est souvent tournée vers l'aide internationale pour gérer l'urgence.

Les aides internationales sans cesse détournées par les élites

Le rent-seeking (recherche de rente) est peut-être aux racines du mal, ce qui a conduit le pays au chaos. Ce terme anglais désigne une tendance à s'enrichir ou à tirer profit d'une situation politique ou économique. C'est l'une des raisons pour lesquelles l'aide internationale n'a jamais fonctionné en Haïti, bien au contraire. Tout ou presque a été détourné : l'argent des séismes ou comme celui dernièrement du fonds Petrocaribe pour assurer l'approvisionnement du pays en carburant. C'est ce qu'affirmait en décembre le sociologue Auguste D'Meza à Radio Canada. "Petrocaribe, il n'y a pas eu vol, il y a eu pillage. C'est comme des pirates qui attaquent un bateau en pleine mer", expliquait-il. Des aides financières détournées par les élites et dont n'a jamais bénéficié la population haïtienne.

C'est de nouveau avec cette élite que l'ambassadrice de l'ONU travaille pour installer un Conseil de transition. Et c'est pour cette raison que les chefs de gang enragent de ne pas être associés à ces discussions et menacent de mettre en place leur propre conseil de transition. C'est pour cette raison également que la population doute de l'efficacité d'une aide internationale qui a trop souvent contribué à accroître les inégalités dans le pays.

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