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Coronavirus 2019-nCoV : le pangolin est-il responsable de la transmission à l'homme ?

En Chine, des chercheurs soupçonnent ce drôle de mammifère d'être "l'animal intermédiaire", autrement dit un porteur sain qui a transmis le coronavirus aux humains.

Article rédigé par franceinfo, Isabelle Labeyrie
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Un pangolin à Qingdao dans la province du Shandong dans l’est de la Chine, le 14 septembre 2017 (photo d’illustration). (WANG HAIBIN / MAXPPP)

Il n'y a pas encore de confirmation, mais c'est une piste très sérieuse. Le pangolin, ce mammifère peu connu, est identifié par certains chercheurs comme étant responsable de la transmission du coronavirus 2019-nCoV à l'homme.

Rappelons d'abord qu'il y a eu deux étapes dans le processus de transmission : d'abord l'animal "réservoir", porteur du virus sans être malade (on est à peu près certain dans ce cas qu'il s'agit d'une chauve-souris). Le virus de chauve-souris n’étant pas équipé pour se fixer sur les récepteurs humains, il est sans doute passé, dans une seconde phase, par une autre espèce pour s’adapter à l’homme : un autre animal, dit "hôte intermédiaire".

Jusqu'ici, on ne savait pas trop de quelle espèce était issu cet animal "intermédiaire". Vendredi 7 février, après avoir travaillé sur plus de 1 000 échantillons, les chercheurs de l'université d'agriculture du sud de la Chine ont pointé du doigt ce drôle de mammifère, nommé pangolin : son virus est génétiquement identique à 99% à celui qui se propage aujourd'hui chez les hommes.

Le pangolin, une chair délicate appréciée

Avant sa fermeture, le 1er janvier 2020, on pouvait trouver sur le marché de Wuhan, d'où est originaire le coronavirus 2019-nCoV, toutes sortes d'animaux sauvages, des serpents, des crocodiles et... des pangolins.

Le pangolin est un petit mammifère couvert d'écailles, à peu près gros comme un chat, décrit par Pierre Desproges comme "un artichaut à l'envers avec des pattes". Il vit la nuit, se nourrit de fourmis et de termites. C'est un animal on ne peut plus inoffensif, qui se roule en boule quand il est en danger.

Il est très apprécié : son cuir sert à faire des ceintures et des portefeuilles, les consommateurs chinois ou vietnamiens apprécient sa chair délicate ou son sang versé cru sur du riz et la médecine traditionnelle utilise ses écailles (à qui elle attribue des vertus aphrodisiaques) pour traiter tout un tas d'affections, de l'acné au cancer en passant par l'impuissance ou l'allaitement maternel.

Une espèce en voie d'extinction

Si la piste des chercheurs chinois est confirmée, on saura comment empêcher le virus de réapparaître, comme pour l'épidémie de Sras, le syndrome respiratoire aigu sévère, en 2002-2003. L'animal intermédiaire était une civette, un petit mammifère qui ressemble à une belette et que l'on mange aussi en Chine. Dès qu'il a été identifié, les autorités ont fermé les bâtiments d'élevage et interdit sa consommation.

Autant de mesures qui serviront aussi à assurer la survie de l'espèce, car le pangolin est le mammifère sauvage le plus braconné au monde, loin devant les éléphants ou les rhinocéros. Environ 100 000 individus sont victimes de ce trafic illégal chaque année.

On chasse traditionnellement le pangolin en Asie mais, les animaux se raréfiant, également en Afrique, où il est réputé chasser le mauvais œil. Il y a trois semaines, au Nigeria, les douanes ont saisi 9,5 tonnes d’écailles, ce qui représente des dizaines de milliers d’animaux. Un commerce extrêmement rentable : un kilo d'écailles peut se vendre 1 000 euros. En Côte d'Ivoire, la population de pangolins a chuté de moitié en cinq ans (le réchauffement climatique est aussi en partie responsable de cette diminution de la population).

Interdire le commerce de pangolins

La solution pour préserver l'espèce – et limiter les risques d'épidémie – serait donc d'interdire son commerce de façon beaucoup plus stricte. "Si nous voulons faire tout ce qui est en notre pouvoir pour prévenir les épidémies de maladies mortelles telles que le coronavirus, alors une interdiction permanente du commerce des espèces sauvages, en Chine et dans le monde, est la seule solution", estime Neil D'Cruze, responsable de l’organisation Protection mondiale des animaux (WAP).

En 2016, la Convention internationale sur le commerce d’espèces sauvages menacées d’extinction (Cites) a voté l’inscription des pangolins à son annexe 1, qui interdit strictement son commerce. Malgré cette mesure, leur trafic n'a fait qu'augmenter.

La prise de conscience du grand public est lente, mais elle progresse. En 2017, l'ONG WildAid utilisait l'image de l'acteur Jacky Chan dans des vidéos de sensibilisation.

Sur le marché intérieur, les autorités chinoises ont pris quelques mesures symboliques pour freiner la consommation nationale : depuis le 1er janvier 2020, les médicaments traditionnels à base d'écailles de pangolin ne sont plus remboursés. Des médicaments qui étaient commercialisés par plus de 200 sociétés pharmaceutiques.

Si le pangolin est confirmé dans les jours ou les semaines qui viennent comme "hôte intermédiaire" du coronavirus, le processus de recherche aura été très rapide. Ce sera peut-être une "bonne" nouvelle pour le 17 février, journée mondiale du pangolin ?

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