Afghanistan : l'arrestation de Matiullah Wesa, l’homme qui défend l’école pour les filles
Les Talibans poursuivent leur politique de répression sur les droits des femmes. L'interpellation de cet homme en témoigne car il est un symbole du combat pour l’éducation des filles.
Matiullah Wesa a été arrêté lundi 27 mars par des hommes en armes à Kaboul. Il sortait de la mosquée vers 10h du matin lorsque deux hommes l’ont contraint à embarquer de force dans un véhicule. Son domicile a également fait l’objet d’une fouille en règle : deux de ses frères ont été brièvement interpellés, plusieurs ordinateurs et téléphones ont été saisis. Et depuis 48 heures, plus personne n’a de nouvelles de Wesa. Cet homme de 30 ans se savait menacé et recevait régulièrement des appels anonymes en raison de son combat pour l’éducation des filles, dans ce pays de 39 millions d’habitants où les fondamentalistes talibans, après leur retour au pouvoir à l’été 2021, ont progressivement multiplié les interdictions qui frappent les femmes. Interdiction d’occuper un emploi public, d’accéder aux parcs et aux gymnases, de se déplacer dans les transports sans être accompagnées d’un homme. Et donc interdiction d’aller à l’école au-delà du primaire. C’est le seul pays au monde dans ce cas.
Quatorze ans de combat pour l'éducation
Matiullah Wesa a mis en place il y a 14 ans une association, Pen Path, dont l’objectif assumé est d’ouvrir des écoles partout où elles ont disparu, en particulier à destination des filles. Né dans le Sud du pays près de Kandahar, Matiullah Wesa était lui-même à l’école primaire lorsque son école a été incendiée par les Talibans en 2002. C’est ce qui l’a conduit à créer cette association. Elle compte 2400 volontaires, forme des enseignants, distribue des livres, ouvre des bibliothèques (déjà 18 dans le pays). Et même après le retour des Talibans il y a un an et demi, il a donc poursuivi sa tâche, au mépris des autorités. En organisant des cours pour les filles dans une semi-clandestinité, souvent chez des particuliers. Cette situation est connue des Talibans parce que Mesa agit à visage découvert. Il y a trois jours encore, juste avant son arrestation, il a posté une vidéo sur les réseaux sociaux où l’on voit un groupe de jeunes filles lancer des slogans sur le droit à l’éducation: une vingtaine de jeunes filles, dans ce qui ressemble à une salle de classe. Elles sont voilées mais pas intégralement. Elles portent toutes des pancartes de couleur et crient des slogans réclamant l’éducation pour les filles.
Un message implicite aux écoles clandestines
Après cette arrestation, l’émissaire spécial de l’ONU en Afghanistan, Richard Bennett, s'est dit très préoccupé. La France, par la voix du Quai d’Orsay, a appelé à la libération immédiate de Matiullah Wesa. Mais les pressions sont de peu d’effet sur le régime. Le message des Talibans est clair : la répression s’accroit et va désormais viser y compris ces écoles clandestines, sur lesquelles jusqu’à présent le pouvoir fermait plus ou moins les yeux. L’arrestation de Matiullah Wesa fait d’ailleurs suite à une autre interpellation, il y a quelques semaines, d’un professeur d’université qui lui aussi militait pour le droit à l’éducation des filles. Il est resté incarcéré 32 jours. Le grand retour en arrière de l’Afghanistan s’accentue chaque semaine un peu plus.
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