Tout euro, tout éco. Lanceurs d'alerte : dénoncer sans être puni
Comment mieux alerter sur les pratiques anti-concurrentielles en Europe ? C’est à cette question que veut répondre la Commission européenne en mettant en place un outil qui permettra de garantir l'anonymat des lanceurs d'alerte. Autrement dit un outil sûr de "délation citoyenne".
Dénoncer sans avoir à en subir les représailles, protéger les lanceurs d’alerte qui pointeraient du doigt les cartels, les entreprises qui pratiquent l’entente illicite sur les prix comme par exemple une entente entre opérateurs de téléphonie mobile. Ce programme annoncé il y a 15 jours par la Commission européenne, sera un programme chiffré, qui garantira l’anonymat de ces lanceurs d’alerte. Il est confié à une société française, Secway, spécialisée dans la cybersécurité, à Meudon, dans les Hauts-de-Seine.
Avec cette originalité : malgré l’anonymat, il sera possible de dialoguer avec la Commission. Et le choix d’une entreprise française n’est pas un hasard car la France vient d’adopter un nouveau cadre juridique pour limiter ces pratiques anti-concurrentielles et la loi Sapin 2 protège les lanceurs d’alerte, ceux qui œuvrent de façon désintéressée pour le bien commun, à ne pas confondre avec les délateurs.
Des pratiques abusives et importantes
La plus importante des amendes infligées à un cartel nous fait prendre la mesure de ces ententes. Des constructeurs européens de camions s’étaient mis d’accord sur les prix depuis 30 ans. Ils ont été condamnés à 3 milliards d’euros d’amende. Ils représentaient 90 % du marché des poids lourds, autant dire le marché tout entier. C’est l’amende la plus importante infligée dans ce domaine en Europe.
Il y a une quinzaine de jours, la commission a décidé d’infliger aussi une amende de 155 millions d’euros à 6 fournisseurs de composants automobile pour la même raison. Ces pratiques illégales sont la bête noire d’une dame de fer nommée Margrethe Vestager, la commissaire à la concurrence, celle qui n’a pas peur de s’opposer aux GAFA, comme Google ou Apple ou encore à Gazprom dans le domaine des subventions ou d’autres pratiques illégales.
Des lanceurs d'alerte encore punis aujourd'hui
Jusqu’ici, d’autres lanceurs d’alerte d’un autre type, bien que défendant la transparence, ont plutôt été punis.
Chelsea Manning, de l’armée américaine, qui avait dénoncé via Wikileaks les bavures de la guerre en Afghanistan, a été condamnée à 35 ans de prison, sa peine a été réduite par Obama, elle sortira de prison dans deux mois.
Edward Snowden, qui a balancé l’espionnage à grande échelle de la NSA, est toujours exilé en Russie.
Irène Frachon, à l’origine du scandale du Médiator, est toujours en procès avec le laboratoire Servier.
Stéphanie Gibaud, dans l’affaire UBS, est poursuivie pour diffamation.
Les peines des lanceurs d’alerte, Antoine Deltour entre autres, qui ont révélé le Luxleaks, ne sont plus que du sursis et une amende. Mais on voit bien la nécessité de définir un jour un statut européen du lanceur d’alerte dans une société qui réclame de plus en plus de transparence.
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