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Regard sur l'info. La langue, en état d’effondrement, ne se transmet plus

Comme chaque dimanche, un intellectuel nous aide à prendre de la hauteur face à l'actualité. Cette semaine, après l'entrée des mots "cluster" et "click and collect" dans "Le Larousse", Thomas Snégaroff reçoit un défenseur de la langue française, Alain Borer. 

Article rédigé par franceinfo, Thomas Snégaroff
Radio France
Publié
Temps de lecture : 5 min
"Notre patrie, c’est la langue" a dit Camus. "Mais c'est une patrie au sens mondial", souligne l'écrivain Alain Borer. (Illustration) (JAYK7 / MOMENT RF / GETTY IMAGES)

"Speak White !" Pourquoi renoncer au bonheur de parler français ? Le nouveau livre d'Alain Borer, poète, écrivain et dramaturge, paru chez Gallimard, collection Tracts, pose clairement la question de la défense de la langue française. "Les langues savent sur nous des choses que nous ignorons", souligne Alain Borer. 

franceinfo : Vous choisissez un titre anglais : "Speak White" pour défendre notre langue. Quel est le sens de ce titre ? 

Alain Borer : C’est l’obligation que les patrons anglais faisaient aux ouvriers français au Québec jadis,de "parler blanc", c’est-à-dire la langue du maître. Il semble que les Français aujourd’hui suivent cette objurgation, du gouvernement à la population tout entière 

Il y a une dimension politique. Un modèle qui s’impose à un autre… C’est l’anglais, notre danger ? 

La question, c’est celle de la substitution, les Français sont en situation de soumission. Il n’y a jamais eu lieu en langue française de phénomène de substitution. On a toujours importé des mots. On les a usinés sur place. On a aujourd'hui des mots français auxquels on préfère l’oreille du maître.

Dans la nouvelle édition du Larousse éditée cette semaine, on parle "cluster" ou de "click & collect"… 

On désinvente en langue française. Olivier Véran introduit un virus avec "cluster", à la place de "foyer". Les politiques ne sont pas conscients de la gravité du moment. La langue n’est pas qu’un outil, elle nous dépasse. Ne pas parler la même langue, c’est ne pas avoir le même réel… 

Dans votre essai, vous comparez l'effondrement de notre langue à celle de Notre-Dame ravagée par les flammes. Mais vous notez une différence, Notre-Dame sera reconstruite...

La langue française en état d’effondrement ne se transmet plus. Le grand malheur c’est que ça passe par les Français eux-mêmes qui collaborent efficacement au remplacement de leur langue. Si vous cédez sur un domaine, après on ne peut plus revenir en arrière. Qu’est-ce qui oblige Valérie Pécresse de parler d’Easy Navigo ?  "Notre patrie, c’est la langue" a dit Camus. Mais c'est une patrie au sens mondial.

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