Sidaction : "Les jeunes ne sont pas très bien informés, ils ont l'impression que c'est une maladie du passé, le sida est là, soyez extrêmement prudent", souligne Jean Viard
Ce week-end, c'est le Sidaction. L'objectif, c'est de récolter des fonds pour la recherche sur le sida et pour les traitements et les soins, pour ceux qui sont touchés, en France et à l’étranger. En France, 200.000 personnes vivent avec le VIH, et 5000 nouvelles séropositivités ont été découvertes en 2022.
franceinfo : 30 ans après, malgré la prévention, le sida sévit toujours...
Jean Viard : Oui, le sida sévit toujours et souvent d'ailleurs, les jeunes ne sont pas forcément très bien informés. On a l'impression que c'est un peu une maladie du passé. Moi, je fais partie de la génération où, au début des années 80, je me rappelle être allé dans des spectacles avec des artistes qui avaient le sida, et on les embrassait sur scène, pour montrer à tout le monde que ce n'était pas le choléra. C'était une maladie difficile à l'époque, très mortelle, mais qu'on pouvait les embrasser, les prendre dans les bras et que ce n'était pas dangereux. Donc il y avait un affichage de gens comme moi, pour montrer qu'il fallait garder ces malades dans la communauté.
Le Sidaction, c'est un mouvement magnifique qui a été lancé par Pierre Bergé et Line Renaud, au départ en 1985, puis en 1994. On estime qu'il y a eu 36 millions de morts sur la planète. Donc c'est une tragédie épouvantable qui se limite un peu, parce que dans les pays comme les nôtres, là où il y a des médicaments, je pense qu'on peut à peu près vivre avec cette maladie, ce qui n'est pas le cas dans l'ensemble du monde du tout. On n'a pas trouvé pour l'instant le vaccin, on cherche depuis des années des solutions, on progresse. Mais je crois que c'est important d'en parler, d'abord parce que bien sûr, le Sidaction, ça collecte des fonds pour la recherche et pour la solidarité avec les malades, mais aussi pour que la jeunesse se rende compte que ça existe toujours.
Les maladies sexuellement transmissibles, et en particulier le sida, continuent à exister. Vous avez les chiffres de 5000 nouvelles transmissions par an. Effectivement, ça fait partie de la vie sexuelle, de la jeunesse, de la société. Il faut y revenir régulièrement, le but, ce serait d'abord qu'on fasse diminuer les contaminations. Le jour où ces 5000 contaminations arriveraient à 4000, 3000, 2000, on aurait fait déjà une partie du chemin.
Et les préjugés ont encore la vie dure chez les jeunes. Selon un sondage Ifop datant de novembre dernier, 30% des 15/24 ans pensent que le virus du sida peut se transmettre en embrassant un séropositif. Et c'est 13 points de plus en un an. Alors ce recul, c'est la désinformation, c'est le manque d'éducation sexuelle à l'école ?
C'est tout ça, c'est aussi les réseaux complotistes, des réseaux sur internet. Bien sûr que c'est de la désinformation, c'est un manque d'information sexuelle. Cette bataille de l'information, elle est absolument essentielle, parce que ces maladies font partie de l'amour, mais on manque visiblement d'informations. Les chiffres que vous donnez, montrent un recul de la connaissance dans la jeunesse, et sont particulièrement préoccupants.
On ne se rend plus compte peut-être que le sida est toujours là. On s'est habitué à en entendre parler tous les ans, au moment du Sidaction. C'est pour ça ?
Un, on s'est habitué, deux, reconnaissons qu'on a vécu la crise du Covid qui était d'une autre ampleur en nombre. Faut se rappeler qu'on a été 5 milliards à être enfermés chez nous pendant plusieurs mois. Donc, c'est un bouleversement dans l'histoire humaine. Et puis finalement, à la fin, il y a eu 7 à 10 millions de morts avec le Covid, alors qu'on est à une peu plus de 36 millions de morts avec le sida. Toutes ces pandémies sont liées à la mondialisation, sont liées au fait qu'on voyage, on prend le train, l'avion, et les maladies se déplacent sur la planète. On a des aventures amoureuses aux quatre coins de la planète, etc.
Et donc il faut dire que toutes ces pandémies sont liées à la mondialisation. Il y en aura d'autres, il faut s'en protéger, mais il ne faut pas oublier les anciennes pandémies, effectivement au profit des nouvelles. Malheureusement, ces pandémies ont tendance à s'ajouter les unes aux autres, et pas à se substituer les unes aux autres. Donc il faut dire à la jeunesse : ne croyez pas que le Covid a effacé le sida, ce sont plutôt des maladies parallèles.
Des traitements par trithérapie permettent aujourd'hui de rendre le virus indétectable, d'empêcher sa transmission, de vivre aussi avec le virus. Et l'existence même de ce traitement, est-ce que ça diminue un peu nos peurs face au sida en se disant on peut vivre avec après tout ?
Speaker 2: Oui, je pense qu'il faut le dire, et il faut dire que c'est génial. Moi qui aie connu des amis de ma génération qui sont morts du sida au début, si vous voulez, c'est un progrès absolument considérable. C'est la première chose qu'il faut dire. Mais il faut dire aussi peut-être que ça diminue les peurs. Peut-être qu'on a l'impression qu'il faut moins se protéger. Le sida est arrivé en pleine période post 68, Ça a cassé ce sentiment qu'il n'y avait pas de règles en matière sexuelle, que chacun faisait ce qu'il avait envie, qu'il n'y avait pas de danger. Et donc on est dans une période où la vie sexuelle a beaucoup changé. Les jeunes ont sans doute moins d'aventures aussi.
Mais il y a un lien entre les pratiques sociales qui sont peut-être plus restrictives qu'il y a 20 ou 30 ans, et ces maladies, c'est pour ça qu'il faut dire : vous faites peut-être moins l'amour, vous avez peut-être moins d'aventures, mais le sida est là, soyez extrêmement prudent.
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