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Question de société. Jean Viard : "L'animal n'est pas un jouet, c'est un être vivant qui a des besoins, et il y a plein de gens qui ne s'en rendent pas compte"

L'homme et l'animal, c'est le sujet de "Question de société" avec le sociologue Jean Viard 

Article rédigé par franceinfo, Jules de Kiss
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Les Français ont 30 millions d'animaux de compagnie. Surtout des chats, mais ils abandonnent encore 800 000 d'entre eux chaque année. Le gouvernement légifère et veut encadrer l'adoption de nos animaux domestiques.  (JULIO PELAEZ / MAXPPP)

Le gouvernement et les députés promettent que c'est une avancée majeure pour le bien-être animal en France, une loi a été adoptée cette semaine, elle interdit les animaux sauvages dans les cirques ou les delphinarium, et encadre l'adoption des animaux de compagnie. Alors, où en sont les Français avec leurs 30 millions d'amis ? Une question de société à laquelle le sociologue Jean Viard nous aide à y voir clair. 

franceinfo : Question préliminaire d'abord au sociologue que vous êtes : est-ce que vous avez un chat, un chien, un cochon d'Inde ?

Jean Viard : J'ai deux chats, deux chiens, j'ai eu des chevaux, j'ai même eu un mouton, des poulets...

Et bien vous faites partie de la majorité des Français, plus de 50%, qui disent posséder un animal de compagnie. Les animaux ont la cote en France et c'est en partie pour cela que le gouvernement a décidé de les défendre, comme le soulignait lundi 25 janvier, sur franceinfo, le ministre de l'Agriculture, Julien Denormandie :"On voit que en dépit de cette prise de conscience de lutter contre la maltraitance contre les animaux domestiques, on a en même temps ce triste record d'abandons."

800.000 abandons d'animaux de compagnie en France, nous disait Julien Denormandie, par an. Le ministre de l'Agriculture qui défend le bien-être animal, c'est tout un symbole, Jean Viard ? 

Oui, bien sûr. Parce que au fond, en plus, cette pandémie montre bien que c'est une maladie qui est passée de l'animal à l'homme. On se rend compte que l'homme n'est qu'une espèce parmi les espèces. Je crois que c'est ça qui est derrière, avec le fait qu'on a des sensibilités et des souffrances communes, même si je ne sais pas comment une vache voit la vie. Donc, il faut toujours garder une certaine distance. Mais il y a une évolution du rapport qui est considérable. Je pense que c'est un progrès.

Vous avez donné le chiffre de 30 millions d'amis. Mais au fond, il y a 40 millions de vaches et de cochons dans ce pays, et de moutons, et en plus, disons le simplement, les animaux d'élevage, y a 400 000 fermes en France, 440 000, il est clair qu'il y a à peu près la moitié des ménages qui ont un animal, donc je dirais que le rapport de force politique est en train de passer de l'animal élevage, vers l'animal domestique, et ça change complètement les regards. Je crois que une chose aussi est importante, c'est qu'au fond, on a progressé en tuant les nuisibles. On a dégagé le monde des loups, des ours. D'abord les ours, après les loups. Regardez les insectes, il y en a presque plus. C'est absolument tragique. Maintenant, on pleure les hérissons.

Donc on se rend compte qu'on est allé beaucoup trop loin dans la domination des animaux. Et l'insecte est un enjeu absolument majeur. Je pense qu'il y a tout ça et donc du coup, l'animal devient un animal de compagnie, beaucoup plus. Et puis, qu'est-ce que nos enfants ont dans leur lit ? Ce sont les doudous. Des chats, des lapins, des lions, des singes. Donc, au fond, l'enfant est élevé en compagnie de tous ces petits animaux. Après, ça va être beaucoup plus difficile de lui faire manger du lapin. 

Mais comment expliquer que les humains ont des animaux de compagnie depuis la nuit des temps, qu'on est des agriculteurs, des éleveurs depuis très longtemps aussi et que ce n'est qu'aujourd'hui que ce débat sur le bien-être animal émerge et soit aussi prégnant ?

D'abord, je pense que les éleveurs respectent beaucoup leurs animaux. Il y a d'ailleurs une coupure. Vous savez, dans une ferme, on élève des bovins, par exemple, mais ce n'est pas le paysan qui les tue. Ils partent à l'abattoir parce que lui il a un rapport, j'allais dire, sentimental, c'est un peu fort, mais en tout cas de respect et quelque part d'affection. Et d'ailleurs, c'est généralement les fermières qui tuent les poulets dans les fermes, ce qui renvoie à une autre question du rapport au sang et à la mort. Mais ça, c'est une vieille tradition et les animaux qu'on avait, ils servaient à quelque chose. Il y avait le chien de chasse, le chien de garde, il y avait le chien qui protégeait du renard, le chat qui mangeait des souris.

Nous, vu nos modes de vie, c'est très différent, mais il faut dire que si autant de Français veulent avoir une maison avec jardin, puisqu'on est à peu près 60% à avoir une maison avec jardin, c'est aussi pour avoir un animal. C'est beaucoup plus facile d'avoir un animal dans une maison de jardin et ça explique aussi les abandons des gens qui, au fond, ne se rendent pas compte qu'un chien, il faut le promener au moins deux fois par jour. Il faut aller courir avec lui parce qu'il s'ennuie, et c'est pour ça aussi qu'il y a autant d'abandons, parce que les gens ont un rapport immature à l'animal, mais aussi parce qu'effectivement, ils ne savent pas vivre en appartement avec.  

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