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Permis de conduire à 17 ans : "Ça mérite qu'on aille consulter dans les autres pays, 30% des jeunes habitent les campagnes et n'ont pas des transports faciles", souligne Jean Viard

Conduire une voiture sans accompagnateur dès 17 ans, ce sera possible l'an prochain. Élisabeth Borne l'a annoncé cette semaine sur la plateforme Brut.
Article rédigé par Augustin Arrivé
Radio France
Publié
Temps de lecture : 5 min
La conduite à 17 ans sans accompagnement, ce sera possible l'année prochaine. Une question de société qui souligne la différence entre les déplacements en milieu urbain et ceux dans les campagnes où la voiture est particulièrement nécessaire pour se créer une vie sociale, voir ses amis, et bien sûr travailler. (Illustration) (UNIVERSALIMAGESGROUP VIA GETTY IMAGES)

Passer son permis à 17 ans était déjà possible, mais en réalité, la conduite, à part avec la conduite accompagnée, c'était uniquement à 18 ans. Dès 2024, les personnes âgées de 17 ans pour conduire sans être accompagnées. Décryptage de cette question de société avec le sociologue Jean Viard. 

franceinfo : C'est important de proposer cette nouvelle liberté dès 17 ans, c'est nécessaire ? 

Jean Viard : C'est important, en dehors des grandes villes, il faut bien voir qu'il y a un taux complètement différent de taux de permis entre l'Île-de-France notamment, et le reste du pays, parce qu'il n'y a pas du tout les mêmes transports en commun. Après, il faut dire aussi qu'on n’est pas du tout à l'avant-garde. On est même plutôt à l'arrière-garde. L'Angleterre et l'Allemagne sont déjà à 17 ans, les États-Unis, c'est 16 ans, et certains États ruraux américains, c'est 14 ans. Mais comme toujours, la France, dès qu'il est question de "questions de société", on est en retard, sur le mariage pour tous par exemple, dès qu'il est question de toucher aux liens culturels, on est toujours les derniers.

On a des études dans d'autres pays, qui montrent effectivement que la question de la mobilité des jeunes, de leur accès au marché du travail, et notamment dans les zones rurales – 30% des jeunes habitent dans les campagnes, sans compter ceux du périurbain qui n'ont pas toujours des transports faciles. Prenez les quartiers nord de Marseille, si vous n'avez pas de voiture pour aller au centre-ville, il n'y a pas de métro, pas de tram, c'est très compliqué. Donc, c'est un enjeu d'autonomie, mais aussi pour les parents, parce qu'en fait, quand vous habitez à la campagne, votre vrai métier, c'est chauffeur.

Et d'ailleurs, on a vu l'explosion des petites voitures, notamment en ville, dans les milieux aisés, vous savez qu'on peut conduire à 14 ans, ça se développe absolument partout, mais pas dans les campagnes, parce que c'est dangereux, ça ne va pas assez vite. J'ai fait un livre sur les accidents de la route avec Pascal Delannoy avec franceinfo, en 2002, qui s'appelait Contre la barbarie routière, Il y a des tas d'essais. Par exemple, il y a des États américains où les jeunes hommes ne peuvent pas conduire le samedi soir, de minuit à 6 h du matin. Il y a d'autres États où c'est seulement deux jours par semaine, il y a des États comme le Massachusetts, où effectivement la nuit, un jeune ne peut conduire que s'il y a un adulte dans la voiture. Ça a fait diminuer de 49% les accidents nocturnes. Il y a donc la question du permis. Mais après, il y a un problème de l'insécurité créée par les jeunes hommes. En France, 95 % des violences sont créées par des hommes, notamment au volant d'une voiture.

Ce n'est pas un discours contradictoire de dire à la fois, c'est une bonne chose, et on est même en retard par rapport à nos voisins, d'abaisser l'âge minimum du permis. Et en même temps, il y a cette insécurité routière. C'est vrai que 18/24 ans, c'est la classe d'âge où il y a le plus de tués et le plus de blessés graves sur les routes ? 

Non, mais c'est clair que les jeunes ont des comportements plus dangereux. Après, il y a une augmentation chez les très âgés où la question se repose. Là encore, il y a des États américains où les personnes très âgées ne peuvent pas aller sur les autoroutes. Elles ne peuvent conduire que sur les petites routes, en gros, pour aller acheter le pain, aller voir leurs copains, mais pas faire 1000 kilomètres d'autoroute. Donc, on peut réglementer l'usage. On peut conduire, mais réglementer. Alors, est-ce que c'est contradictoire ? Le problème, c'est qu'en France la majorité des morts aujourd'hui ne sont plus liés à la voiture sur les routes. Ce sont des cyclistes, des piétons et des motos, ça mérite des discussions de société. Ça mérite qu'on aille consulter dans les autres pays, qu'on regarde.

C'est vrai que l'idée que les garçons n'aient pas les mêmes droits que les filles, notamment le week-end, la nuit, me semble une idée vraiment extrêmement intéressante. La question du choix des voitures, parce qu'effectivement, il y a des petites voitures, c'est intéressant. Tous ces éléments à mon avis, nécessiteraient un grand débat, à la fois technique et politique. Parce qu'il est clair que les élus ruraux, ils sont face à des jeunes qui n'ont pas de possibilité de sortir. Alors on dit toujours pour aller travailler, oui, pour aller travailler, mais pour se faire des amours et des amis, si je peux me permettre. Parce que dans la vie, il n'y a pas que le travail.

Et ce n'est pas qu'une question professionnelle, c'est vraiment la notion de mode de vie sociale ? 

Ben bien sûr, il ne faut pas toujours insister sur le travail, c'est important le travail, je ne veux pas dire contraire. Mais enfin, dans les déplacements qu'on fait dans notre société, on fait 1/3 domicile travail, 1/3 effectivement week-end et vacances et 1/3 pour aller voir ses potes, aller en ville, faire des courses, etc. Le domicile travail ne représente que 1/3 des déplacements, et encore plus dans les campagnes où effectivement, on fait facilement beaucoup de kilomètres.

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