"Le musée, c'est la découverte de l'altérité", estime Jean Viard
Dans la nuit du samedi 18 mai au dimanche 19 mai, des milliers de musées ouvrent leurs portes, souvent gratuitement pour la 20ᵉ Nuit européenne des musées. Et pour certains, c'est l'occasion d'aller découvrir un lieu dans lequel ils ne seraient peut-être pas allés en temps normal. L'occasion de se pencher, dans Question de société avec Jean Viard, sur les musées et leur rôle.
franceinfo : Est-ce que les musées sont aujourd'hui des lieux d'intégration sociale ?
Jean Viard : Intégration sociale, c'est exagéré, mais ce sont des lieux importants. Je vais vous raconter deux anecdotes. Une que j'ai entendue d'un jeune dont les parents habitaient dans les quartiers nord à Marseille et qui avait fait une belle carrière. Il racontait que son père, une fois par mois, l'emmenait dans un musée. Lui, il n'y comprenait rien, mais il avait vu que dans les beaux quartiers, c'est ce que faisaient les gens "cultivés". Et il s'est dit : si j'emmène mon gamin tous les mois une heure dans un musée, ça va l'aider dans la vie parce qu'il va voir des choses dont il n'a même pas idée que cela existe, des formes différentes, des peintures, des travaux d'une autre époque, un autre imaginaire du monde. L'autre, ce sont des gens dans une librairie qui me racontaient comment, depuis que leurs enfants sont petits, tous les samedis, on les emmène une heure en librairie : ils restent là et ils ont le droit d'acheter un petit livre. Voilà, il faut penser cette culture-là, c'est-à-dire ce bousculement du cerveau qui se produit quand on rencontre quelque chose qui n'est pas dans son univers habituel, dans son quartier, dans son immeuble, etc.
Sortir un peu de sa zone de confort. Mais vous avez commencé à l'évoquer, ce sont aussi quand même des lieux de transmission. C'est important pour une société ?
Il y a différentes fonctions, mais j'insiste parce que la Nuit des musées, c'est comme si on sortait pour aller en boîte ou ailleurs. Il faut se dire : tiens, on se fait une sortie. Et moi, je rêve que le Louvre soit ouvert 7 jours sur 7 et très souvent la nuit. L'essentiel des grands musées sont à Paris, mais il y a des tas de petits musées en France qui sont souvent magnifiques. Parfois de tout petits musées, fantastiques, sur un écrivain, un peintre, un lieu où a vécu tel artiste. Et c'est magnifique parce que c'est aussi notre mémoire collective, bien sûr, et je pense que c'est très important dans la transmission. C'est important dans le patrimoine. Le musée du Quai Branly, par exemple, est formidable autour de l'altérité, des autres, de leurs cultures. En France, j'attends un grand musée des colonies, avec la culture kanak, son développement. Tout cela nous rend l'altérité plus familière, ça nous permet de voir la beauté. Et je pense que tout ce rapport à la beauté est absolument essentiel dans la vie de chacun d'entre nous. Il faut qu'on soit en permanence interrogés, parce qu'il y a plein de beautés différentes, il y a plein de récits différents. Et chaque fois qu'on découvre une altérité, je pense qu'on a gagné quelque chose.
Vous parlez des musées en région, comme le Louvre-Lens ou le Centre Pompidou à Metz. Ont-ils réussi à toucher un public large ?
On les a utilisés dans des stratégies différentes. Le Louvre-Lens, dans cette ville qui était en grande difficulté économique, fut comme un coup de booster là où on ne l'attendait pas. Le musée a cette fonction de redévelopper des réseaux, de dire qu'on peut mettre de la "grande culture". Mais des musées, il y en a partout. En France, dès qu'un événement ou une production se fait à Paris, on a tndence à en parler davantage. Pourtant, ne croyons pas que Paris a inventé le musée !
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