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Le droit de vote à 16 ans ? " On pourrait peut-être passer par un vote aux élections locales, comme premier entraînement à la réflexion démocratique", Jean Viard

Abaisser le droit de vote à 16 ans ? La proposition est signée Anne Hidalgo. Lundi 25 octobre, sur franceinfo, la candidate socialiste à l'élection présidentielle de 2022, a estimé que "les jeunes de 16 ans doivent pouvoir se prononcer" sur différents sujets mais aussi "être éligibles". On évoque cette question avec le sociologue Jean Viard.

Article rédigé par franceinfo, Jules de Kiss
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Une adolescente montre une carte d'électeur. Le droit de vote à 16 ans ? (Illustration) (VANESSA MEYER / MAXPPP)

C'est une idée qui revient souvent sur le devant de la scène avant des élections de grande ampleur comme les présidentielles, le droit de vote à 16 ans. On en parle avec le sociologue Jean Viard, directeur de recherche au CNRS.

franceinfo : Anne Hidalgo, invitée des Matins présidentiels sur franceinfo en début de semaine, a dit clairement que elle, présidente, elle accorderait le droit de vote aux jeunes de 16 ans. C'est une proposition qui n'a pas grand chose de nouveau ? 

Jean Viard : C'est compliqué. Moi, j'ai toujours hésité personnellement sur ce sujet. Je fais partie d'une génération où, en 69, j'ai fait une campagne présidentielle sans avoir le droit de vote. Il fallait avoir 21 ans. C'est Valéry Giscard d'Estaing qui a donné le droit de vote à 18 ans. Mais 18 ans, c'est aussi l'âge du permis de conduire. Donc, c'est un âge qu'on considérait comme un âge de responsabilité au fond. Donc ça, c'est une vraie question.

Après, c'est clair que l'enjeu écologique est devant nous. Donc il concerne particulièrement la jeunesse. D'une certaine façon, les plus vieux, le réchauffement climatique les concernera moins. C'est vrai. Après, est-ce qu'à 16 ans, on est complètement informé et mobilisé sur la vie de la cité ? C'est vraiment extrêmement compliqué. C'est pour ça que j'ai tendance un peu à freiner sur cette idée. Mais bon, après, c'est une bataille électorale.

Alors il faut dire une chose : les jeunes, souvent on dit : si on commence tôt, ils s'abstiendront moins. Je crois que c'est pas entièrement vrai. Les jeunes, souvent, ils vont voter la première fois, quand vous avez le droit de vote, les premières élections, vous y allez parce que vous êtes grand, ça a un côté magique. Donc souvent, ils votent une fois, puis après ils s'arrêtent. Et le taux de participation des jeunes est très faible.

Je ne suis pas convaincu. Je pense que c'est la qualité de l'enjeu qui les motive, plus qu'effectivement l'âge. Mais ça va être un des débats de la présidentielle parce qu'il a été lancé par Mme Hidalgo. Je ne crois pas que ça changerait la face du monde. Mais après, à quel âge on est adulte ? À quel âge on a des droits et des responsabilités ? A quel âge on peut aller en prison aussi, qui est une vraie question ? Oui, il y a toutes ces questions qui s'articulent les unes avec les autres.

La qualité de l'enjeu, dites-vous, et Anne Hidalgo cite en particulier le nucléaire. Et donc, derrière toute la logique sur l'écologie, l'environnement, c'est un enjeu qui a énormément d'importance pour les jeunes, y compris avant 18 ans ?

Oui, mais bien entendu. Mais pour comprendre l'ensemble des éléments de la crise climatique qu'on vit, c'est-à-dire, au fond, comment on va produire de l'énergie et par quels moyens, au XXIe siècle, c'est un enjeu extrêmement complexe qui nécessite de la réflexion, etc. Donc, voilà la question : c'est le temps qu'on a mis pour s'informer, est-ce qu'on écoute les émissions d'information, est-ce qu'on regarde les débats, etc. 

Les réseaux sociaux aussi ? Beaucoup d'infos y circulent aussi ? 

Y a les réseaux sociaux aussi, bien sûr les jeunes regardent essentiellement le numérique, leur culture est extrêmement numérique, mais les réseaux sociaux, c'est aussi des réseaux fermés, où chacun va là où il a des connaissances qui ont les mêmes convictions. C'est tout le problème des réseaux sociaux. C'est à la fois génial et en même temps, une fois que vous êtes rentré dans un réseau de complicité intellectuelle, vous avez tendance à pas en sortir.

Donc il y a tous ces éléments qui sont devant nous, et d'une certaine façon, je ne sais pas si c'est une revendication forte de la jeunesse. Moi, je sais que quand nous, on n'avait pas le droit de vote à 18 ans, on le revendiquait fortement, en disant on a le droit d'aller en prison, on a le droit de conduire, etc. On a le droit de travailler. Beaucoup de jeunes étaient déjà salariés à 18 ans. Aujourd'hui, est-ce que c'est tellement vrai ? C'est ça qui est compliqué. A 16 ans, très peu de jeunes travaillent. Est-ce qu'ils sont déjà des citoyens qui construisent la cité ? C'est ça la question qui va être devant nous.

Moi, par contre, je pense qu'on leur donnerait le droit de vote aux élections locales, ce serait déjà un pas de dire au fond aux élections locales, un peu comme on fait pour les citoyens européens qui votent en France en local, mais qui ne votent pas national, peut-être qu'on pourrait passer par un vote aux élections locales comme premier entraînement, si on peut dire, à la réflexion démocratique.

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