La reine Elizabeth II : "C'est comme un dieu grec, comme une statue d'Apollon ou de Diane chasseresse", estime Jean Viard
On peut traverser la Manche puisque c'est un jour de fête aujourd'hui, pour le troisième jour du Jubilé de la reine d'Angleterre. Plus de 20 000 personnes sont attendues ce samedi 4 juin, pour un grand concert en hommage aux 70 ans de règne d'Elizabeth II. La reine d'Angleterre, c'est aussi une passion française.
Plus de 20 000 personnes se retrouveront ce soir samedi 4 juin pour un grand concert pour célébrer le Jubilé de platine de la reine Elizabeth II, 70 ans de règne. Avec notamment Alicia Keys, Elton John sur la scène installée devant le Palais de Buckingham. Décryptage avec Jean Viard, sociologue, directeur de recherche au CNRS. On assiste depuis deux jours à ce spectacle du Jubilé outre-Manche. On voit bien à quel point les Britanniques sont attachés et passionnés par la reine Elizabeth, mais c'est aussi un peu une passion française.
franceinfo : Les médias français s'intéressent beaucoup à toute la monarchie britannique, les Français avec eux. Comment est-ce qu'on explique cet intérêt ?
Jean Viard : Il y a différentes façons : il y a les Rolls-Royce, les pubs, le fait qu'ils roulent à gauche, le drapeau de l'Union Jack et la reine d'Angleterre. Tout ça fait le paquet du charme anglais, tout ce qui les différencie de nous et en même temps, on est des voisins affectueux. Donc il y a tous ces personnages pour ça. Je ne suis pas sûr que ce soit la monarchie anglaise. C'est la reine d'Angleterre qui est là depuis très longtemps, qui est un personnage à la fois très sobre et elle est toujours habillée d'une seule couleur, mais jamais de décoration, ni breloques partout.
Donc c'est un personnage en plus, on a tous vécu toujours avec, puisqu'elle a 70 ans de règne, et 96 ans. C'est un personnage éternel. On n'a pas l'idée qu'elle peut mourir. C'est comme un dieu grec, c'est comme une statue d'Apollon ou de Diane chasseresse. En fait, elle devrait devenir un hologramme d'une certaine façon, et continuer au fil des siècles à être un hologramme qui symbolise l'Angleterre. Je ne pense pas que ça soit une question de monarchie, ça fait partie du costume anglais, c'est la Grande-Bretagne.
Mais voyez nous, on a autre chose, on a nos figures politiques, Jaurès pour les uns, Blum, de Gaulle pour les autres. Et chaque pays se raconte qu'il a un symbole, quelque chose qui le symbolise. Regardez les Américains avec leurs sept pères fondateurs., ces immenses statutaires dans le Rocher ou il y a Jefferson, Franklin Roosevelt, il y a Adams et au fond, ils se réfèrent sans arrêt à ces sept fondateurs. Bon, il y en a quelques uns qui avaient des esclaves, mais chacun a son histoire plus ou moins réelle.
Les symboles dont vous nous parlez, pour la France, pour les États-Unis, sont des symboles historiques. La reine d'Angleterre est encore bienveillante et c'est une figure tutélaire, bienveillante aussi aux yeux des Britanniques. Est-ce qu'on a un équivalent en France ?
On avait un président de la République avant que le général de Gaulle ne change et lui donne les pouvoirs, les Allemands ont président de la République, mais je ne sais même pas comment il s'appelle et à quoi il sert. Je vois les Belges, ils ont un roi, mais on n'en parle jamais. Est-ce qu'on a vraiment besoin d'une figure symbolique dans le monde moderne ? Je ne sais pas. En tout cas, le modèle anglais fonctionne comme ça. Mais regardez le Commonwealth. La Nouvelle-Zélande envisage de sortir du Commonwealth. Je crains beaucoup qu'après le décès de la reine, le Commonwealth parte un peu dans tous les sens.
C'est un peu une autre époque aussi. On en avait besoin pour symboliser. Il n'y avait pas la télé par la radio, donc l'idée qu'on était tous d'une même communauté, on avait besoin de chefs à plumes pour le symboliser. C'est à peu près le rôle du pape, par exemple pour les catholiques. Alors que regardez les protestants, ils n'ont pas de grands symboles comme ça.
Du coup, ils n'ont pas cette espèce de puissance qu'a le pape qui a pas forcément plus de troupes, mais qui a en tout cas une puissance symbolique beaucoup plus forte. Après, il faut bien voir aussi l'Angleterre, il y a l'Angleterre, il y a l'Écosse et l'Irlande, il y a le pays de Galles. Et donc, c'est très morcelé. Évidemment vu d'ici, c'est une île, mais en fait, c'est des nations très, très différentes. Il y a eu des guerres terribles.
L'Ecosse envisage son indépendance, donc la reine a un rôle central pour tenir ces morceaux ensemble. Il faut bien le dire parce que c'est une île qui a été très, très coupée entre différents morceaux, et ça aussi, ça compte. Là, elle est un symbole d'unité extrêmement fort. Mais c'est pareil pour le roi des Belges. Je crois qu'il unifie les Flamands et les Wallons. Et quelque part, heureusement qu'il est là.
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