Journée sans voiture à Paris : "Une société, c'est de la tolérance et des compromis, on n'est pas tous jeunes et dynamiques", estime Jean Viard

Nouvelle édition de la Journée "Paris Respire", sans voiture, ni moto, ce dimanche 17 septembre dans la capitale, hors périphérique, de 11h à 18h. Place aux vélos, rollers, trottinettes et skateboard, mais aussi, bien sûr aux piétons. Quel avenir pour les grandes villes ?
Article rédigé par Augustin Arrivé
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
Journée sans voiture, ni moto à Paris pour ce dimanche 17 septembre de 11h à 18h. (HENRI GARAT / VILLE DE PARIS)

Pas une voiture, pas une moto ne roule aujourd'hui dans Paris, sauf bien sûr les véhicules d'urgence. C'est la 9e édition de l'événement "Paris Respire". Le sociologue Jean Viard s'interroge avec franceinfo sur cette question de société. Une journée sans voiture, ni moto, organisée chaque année un dimanche, c'est tout de même moins contraignant. Paris dispose, il faut le dire, d'un maillage très étoffé de transports en commun entre le bus, le tramway et le métro.

franceinfo : Est-ce que ce type d'initiative serait transposable ailleurs ?

Jean Viard : Alors c'est compliqué. Il y a deux millions d'habitants à Paris, dont 700 000 qui travaillent dans la ville. Ils ne travaillent pas le dimanche. Les jours ordinaires, il y a un million de banlieusards qui rentrent dans la ville ; un million, c'est énorme. Et puis, il y a 38 millions de touristes qui viennent dans la capitale tous les ans, et puis il y a des dizaines de millions de provinciaux, donc Paris, c'est une énorme machine de passage. Le dimanche, c'est plus cool. Là, je pense que c'est un signal positif. On est en train de se désintoxiquer, de cette idée qu'au fond les rues sont faites pour qu'il y ait des voitures partout.

Donc, c'est une immense bataille culturelle, scientifique et de santé publique. Il y a aussi beaucoup de gens qui du coup vont dire : "On ira à Paris la semaine prochaine". Après, dans les autres villes, on est plus modeste, à Marseille, par exemple, on piétonnise La corniche, le long de la mer, cette immense corniche magnifique, on a une vue sublime.

Bon, on ne peut peut-être pas piétonniser toute la ville. Il y a d'autres villes qui sont plus petites, on peut le faire. Montpellier, par exemple, fait un boulot énorme parce qu'ils rendent les transports, petit à petit, gratuits. Donc là aussi, on va vers cette autre idée que dans la ville, la circulation est gratuite et que les transports sont gratuits.

Parce que toutes ces opérations, il faut toujours se dire : une société, c'est des générations différentes. Voyez, le métro de Paris est une merveille. Enfin, quand vous avez 85 ans, le métro de Paris, il n'y a pas d'ascenseur, même avant 85 ans, si vous êtes handicapé. Donc cette ville-là, c'est une ville qui a aussi ses limites, en termes de capacités, de mobilité, de différences de population. Ce sont toutes ces questions qu'il faut avoir aussi dans la tête.

Vous dites qu'on est en train de se désintoxiquer, mais jusqu'à quel point peut-on se désintoxiquer ? Là, ce sont des opérations ponctuelles, mais est-ce qu'on peut imaginer qu'il puisse y avoir de nouvelles habitudes, et qu'on se passe totalement de ces transports individuels ?

Je me permets de prendre un exemple personnel. Je me suis fait élire à Marseille pendant six ans, il y a une quinzaine d'années, comme conseiller municipal pour piétonniser le centre ville, le Vieux-Port, parce que c'était mon obsession depuis que j'étais adolescent. Et donc il y avait huit files de voitures entre les bars et les bateaux, et les bateaux prenaient les quais.

Je voulais faire ça, je l'ai fait, mais j'ai laissé une file de voitures, parce que je tenais beaucoup à ce qu'on puisse amener sa vieille maman au restaurant, parce que tout le monde n'a pas le même âge, et je suis très sensible aux handicapés, aux personnes âgées, aux mamans avec des poussettes, etc., donc, de huit files, on est passé à une.

Peut-être qu'un jour il n'y en aura plus, mais pour moi, c'était une réflexion sur justement, un territoire doit être partagé entre tout le monde. Le Port marche très bien et du coup, il y a plein de monde, il y a des piétons, on a fait une ombrière magnifique. Mais c'est pour vous dire, il faut faire des compromis. Une société, c'est de la tolérance et des compromis. En ce moment, on mène une bataille contre la voiture en ville. Mais gardons cet esprit de compromis, gardons cet esprit de tolérance, on n'est pas tous jeunes et dynamiques.

Ça peut aussi faire une belle vitrine quand on va recevoir les Jeux olympiques et paralympiques, les Jeux de Paris 2024 l'an prochain ?

Mais bien sûr : les Jeux olympiques sont un booster de transformation de la ville. Quand une ville l'accepte, c'est aussi pour ça. C'est aussi pour sa gloire, sa renommée, la puissance des élus etc, mais c'est aussi parce que ça conduit à l'innovation. Regardez ce qui est fait en Seine-Saint-Denis, il y a des constructions très importantes qui vont rester, ce qui est fait sur la Seine, en allant vers une eau baignable, on verra... Mais enfin, en gros, on a fait un boulot absolument énorme. Et c'est pareil dans la ville : apaiser la ville.

Il y a le bruit de la ville aussi, qu'il ne faut jamais oublier, qui est extrêmement important. Parce qu'il y a effectivement la question du bruit qui est centrale dans la ville, la voiture, c'est aussi du bruit, c'est aussi de la pollution. Donc revenir à une ville plus paisible. Et je pense que les Jeux olympiques vont nous y aider. Bien sûr qu'il y a un côté affichage vis à vis des JO, Paris se bat, Paris mène la lutte contre la pollution de l'air et Paris vous invite pour les JO, et c'est de la bonne com politique.

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