Journée nationale contre le cancer : "La mobilisation de la société est un point positif car cela inscrit la santé de chacun dans une bataille collective" selon Jean Viard

Le cancer touche près de quatre millions de Français. En cette journée mondiale de lutte contre le cancer, réfléchissons à la manière dont il s'inscrit dans notre société.
Article rédigé par franceinfo - Jean Viard
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Temps de lecture : 4 min
La société se mobilise régulièrement pour la lutte contre cancer (ici une course à Bordeaux à l'occasion d'Octobre Rose), ainsi la santé de chacun est inscrite dans une bataille collective. (JEAN MAURICE CHACUN / MAXPPP)

Le cancer est la première cause de mortalité prématurée dans notre pays. Nous avons tous dans notre entourage, de près ou de loin, un ou plusieurs malades. Comment le cancer s'inscrit-il désormais dans notre société ? La réflexion du sociologue Jean Viard.

franceinfo : Prononcer le mot "cancer", est-ce déjà une évolution, tant ce mot est resté longtemps tabou ?

Jean Viard : C'est vrai. Pourtant, le cancer est une très ancienne maladie, qui existe depuis toujours. Mais elle a pris de l'ampleur en raison de nos modes de vie, et aussi du vieillissement de la population. Comme il y en a davantage et qu'on s'est rendu compte que ce n'est pas une maladie transmissible, on a tendance à moins le cacher. Cela permet d'un peu mieux supporter la souffrance. On parle de toutes ces questions corporelles parce que, aussi, tout ce qui relève de l'intime n'est plus caché, comme jadis.

Le cancer s'est un peu invité de force. Dans les entreprises, par exemple, l'appréhende-t-on différemment ?

Oui, on a pris conscience que beaucoup de cancers se soignent, heureusement, certains d'ailleurs mieux que d'autres. En parallèle la recherche avance et continue de progresser chaque jour. Ainsi, comme on a plus de chance de se soigner, on devient plus combatif, plus motivé que face à un combat perdu d'avance. Les progrès liés à l'ARN Messager – utilisé pour lutter contre la Covid-19 – ont également dynamisé la recherche, notamment pour des vaccins qui existent contre certains cancers, notamment pour les enfants et les adolescents. Or, en France, peu de gens en profitent, contrairement à d'autres pays où tous les jeunes sont vaccinés contre certains cancers. C'est étonnant. Attention, soyons clairs, il n'y a pas un vaccin pour le cancer en général, mais des vaccins spécifiques, par exemple pour les jeunes filles contre le cancer de l'utérus.

Les Français ont-ils peur du vaccin ?

Peut-être. Il y a eu ce discours absurde tenu pendant la Covid-19 qui a généré une peur du vaccin. Il faut dire aux gens d'aller massivement de faire vacciner ! Le cancer est terrible : 60% des Français risquent de subir un cancer au cours de leur existence. Il faut que chacun érige ses propres digues : ne pas trop boire d'alcool, ne pas fumer, ne pas être sédentaire, accepter de se prémunir contre papillomavirus, etc. Il faut dire aussi qu'il y a une grande inégalité des soins. Les hôpitaux extrêmement pointus sont dans les grandes villes. Cette question de l'inégalité d'accès ne doit pas être sous-estimée.

Cette maladie mobilise néanmoins la société : de nombreuses associations, des événements, des concerts permettent de récolter des dons contre le cancer. C'est indispensable ?

Oui. D'abord, le cancer est un drame absolu pour celui qui est malade, et pour tout son entourage ; cela peut durer longtemps, ça déstructure tout le tissu sentimental dans lequel chacun d'entre nous, en principe, est pris. Mais c'est vrai que la mobilisation de la société est un point très positif, parce que la santé de chacun est inscrite, au fond, dans une bataille collective, dans le fait de ne pas se retrouver seul. En outre, évidemment, cela complète les moyens financiers des pouvoirs publics. Se lier les uns avec les autres par la bataille contre la mort est une belle réalité.

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