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Identités régionales : "Ne mélangeons pas les appartenances culturelles et les outils de gestion politique et administrative"

Le plus grand drapeau breton du monde a été déployé ce dimanche 20 février, à Nantes. Un grand Gwenn-ha-Du, qui signifie blanc et noir en breton au pied du château des ducs de Bretagne. Les identités régionales s'affirment aujourd'hui. Décryptage avec le sociologue Jean Viard. 

Article rédigé par franceinfo, Jules de Kiss
Radio France
Publié
Temps de lecture : 5 min
A Nantes, ce 20 février 2022, l'association "À la Bretonne" a déployé le plus grand drapeau breton du monde devant le château d'Anne de Bretagne. Elle souhaite un référendum sur le sujet du rattachement de la Loire-Atlantique à la Bretagne. (JEROME FOUQUET / MAXPPP)

Avec le déploiement du grand drapeau breton du monde à Nantes, en ce dimanche 20 février, un grand Gwenn-ha-Du, au pied du château des ducs de Bretagne, les militants de l'association "À la Bretonne", entendent défendre l'appartenance de Nantes et de la Loire-Atlantique à la Bretagne, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. Et pas plus, après la dernière réforme qui nous a fait passer de 22 à 13 grandes régions.

franceinfo : Jean Viard, ici, la Bretagne, mais la question s'est aussi posée pour l'Alsace. Il y a des identités régionales qui s'affirment et qui s'expriment aujourd'hui ? 

Jean Viard : Je comprends bien la question bretonne, ma grand-mère était bretonne. Il y a en France des territoires où les appartenances traditionnelles sont très fortes, le Pays basque, la Corse, etc. Ce qui est vrai, c'est que la France est un pays qui a été construit par un État qui s'est imposé petit à petit, en prenant des bouts par mariages, par rachat, par guerre à des pays qui ne demandaient rien.

Les Bretons n'ont jamais demandé d'être dans le même pays que les Niçois, etc. Et quand vous regardez autour de nous, on est le seul État à s'être construit par une imposition politique sur 1000 ans. Ça a été vrai sous la monarchie, sous la République, et c'est toujours vrai. On a cassé les identités locales. Rappelez-vous ce qu'on disait des enfants qui prenaient des coups de règle sur les doigts s'ils parlaient en patois.

Et donc, en 1789, on a dessiné des départements sur des bases mathématiques. On leur a donné des noms de lieux, de rivières, de montagnes, pour effacer les cultures locales. Et cette époque a duré deux siècles. Aujourd'hui, on est dans une nouvelle époque où l'unité française est extrêmement forte, et en même temps, on est dans une époque où on magnifie le patrimoine. On visite énormément, on restaure les châteaux. On a construit un écrin patrimonial qui est aussi la base de notre économie touristique. Et dans cet écrin patrimonial remontent évidemment les différenciations.

Chacun voit les différences. Et comme on a énormément restauré ces différences, quelque part, elles se voient plus qu'avant et c'est très présent. Je crois que il ne faut pas mélanger. Je suis très favorable aux langues locales, aux cultures locales parce que c'est un plus. Celui qui a une culture locale a une richesse de plus que celui qu'il n'en a pas. Il ne faut pas commencer à faire éclater les territoires en les refaisant de petits territoires identitaires. Ne pas mélanger les appartenances culturelles et les outils de gestion politique et administrative. 

On se souvient des très fortes mobilisation des milliers de personnes pour la défense de l'enseignement des langues régionales, il y a un peu moins d'un an, en Bretagne, au Pays basque, en Alsace.

Vous, ce que vous dites, c'est que les régions ne sont plus que des entités administratives, que c'est peut-être bien comme ça, parce qu'elles ne doivent pas être forcément porteuses de valeurs culturelles, de valeurs identitaires qui pourraient mettre en danger une forme d'unité ? 

Non, mais elles n'ont pas besoin de se superposer. Les territoires qui ont des identités, il y en a beaucoup, y compris des très petits. Il ne faut pas mélanger les niveaux. Il y a un niveau des régions qui sont des entités administratives, mais aussi politiques. C'est au fond le lieu du débat politique et puis, vous avez ces entités culturelles, les populations immigrées du Maghreb notamment, mais d'Afrique aussi ou d'ailleurs, d'Italie, d'Espagne. On a des identités liées à des lieux traditionnels. Puis on a des identités des populations qui sont arrivées, les Arméniens, par exemple.

Une région administrative, elle doit articuler tout ça. 50% des Français vivent dans le département où ils sont nés, donc il y a déjà la moitié de la population qui n'appartient pas à ces cultures locales. Donc, il faut faire très attention à ce que ça reste ouvert. Les cultures locales ne doivent pas être fermées, sinon elles deviennent excluantes. Il y a les patrimoines culturels qui sont complexes et c'est une richesse. Il y a des territoires politiques et administratives. Il n'y a pas de raison que cela se superpose.

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