Profession : reporter. La difficile profession reporter en Biélorussie
Journalistes étrangers non désirés et expulsés, accréditations des correspondants annulés, reporters intimidés, interpellés, incarcérés, la Biélorussie se ferme à la presse alors que des manifestations de grande ampleur contestent la dernière élection d'Alexandre Loukachenko
Alexandre Loukachenko en lice pour un sixième mandat et élu avec 80% des suffrages, le 9 aout dernier. Le résultat de l'élection présidentielle biélorusse a aussitot précipité dans les rues des milliers de citoyens convaincus d'un résultat arrangé, d'une fraude électorale.
Mouvement inédit pour un pays verrouillé qui vivait dans la peur. Et c'est le logiciel de la peur que les militaires et policiers biélorusses ont actionné dès les premières manifestations de l'été. Meneurs de manifestations portés disparus, forces de l'ordre menant des expéditions nocturnes au domicile des figures de l'opposition, journalistes interpellés dans les bars et les restaurants, manifestants frappés avec force, déferlante de violence dans les rues pour dissuader quiconque de rallier un cortège.
Trois jours et trois nuits d'émeutes ont suivi le lendemain de l'élection. Avec des blindés dans les rues. Le photoreporter indépendant Paul Dza vivait dans la crainte de l'interpellation au mileu des coups distribués autour de lui. Et toujours la peur en toile de fond. Svetlana Tikhanovskaïa, leader de l'opposition part en exil en Lituanie et le 29 aout, les médias étrangers se voient, pour la plupart d'entre eux privés d'accréditations. Parmi eux, l'AFP et la BBC.
Cité par l'AFP, Tatiana Melnitchouk journaliste à Minsk : "Le ministère des affaires étrangères biélorusse m’a appelée et m’a signifié l’annulation de mon accréditation et de celle d’une de mes collègues en tant que correspondantes de la BBC. Ils ont exigé que je rende ma carte". Réaction offusquée de Londres : "Nous condamnons dans les termes les plus forts cet étouffement du journalisme indépendant".
Comment exercer sa profession reporter dans ses conditions ? "En se cachant", répond Paul Dza, photoreporter indépendant. Quelques journalistes étrangers font désormais le choix de ne pas s'annoncer en prenant des visas de touristes. Mais aucun média ne peut diligenter de tels procédés. Seuls les free-lance le font, à leurs risques. Car sur place, les interpellations des journalistes sont de plus en plus musclées. Des hommes en noir cagoulés surgissent dans les bars, restaurant, vont directement à la table des reporters, les invectivent, les embarquent, eux et leur matériel, dans un fourgon de police.
Paul Dza n'a jamais revu les journalistes qu'il cotoyait avant l'élection. Il raconte sur franceinfo les intimidations qui mettent une chape de plomb sur les reporters mais n'empêche pas la détermination de celles et ceux qui sont encore sur place et qui veulent informer. "Les réseaux sociaux constituent une lucarne essentielle pour documenter, relayer face aux sites gouvernementaux qui diffusent des reportages qui n'évoquent jamais les manifestations".
La maison du gouvernement mise sur l'essoufflement, la peur devant la repression et les arrestations. Les journalistes sont empêchés de travailler pour ne pas donner de prise aux manifestations. Les témoignages ne sont pas simples à recueillir, car si l'on peut sortir dans la rue pour se noyer dans la masse d'un cortège, parler à voix haute et apparaître en tant qu'individu est plus compliqué.
Alexandre Loukachenko a prêté serment mercredi dernier, dans le plus grand secret. Les gens en colère sont sortis dans la rue pour protester. L'Union Européenne et les USA ont dit ne pas reconnaître le résultat de l'élection. Le sujet sera abordé au prochain sommet européen jeudi et vendredi prochain.
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