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On s'y emploie. Pourquoi il y a de plus en plus de travailleurs indépendants

"On s'y emploie", c'est tous les dimanches un gros plan sur le monde du travail par une personnalité qui l'éclaire.

Article rédigé par franceinfo, Philippe Duport
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
815.000 nouvelles entreprises, soit une progression de près de 18%  en 2019, par rapport à l'année précédente. (Photo illustration). (MAXPPP)

On parle aujourd'hui des travailleurs indépendants, dont le nombre ne cesse d'augmenter, au point que l'on peut se demander si on va vers la fin du salariat. Entretien avec Julien Damon, sociologue, prof à Science Po.

Cette semaine, une étude de l'Observatoire Alptis de la protection sociale s'interrogeait sur l'avenir du travail indépendant en France. Comment évolue-t-il ces dernières années ?

Assiste-t-on à une explosion du nombre de travailleurs indépendants ?

J.D. : on n'assiste pas à une explosion, mais à un frémissement. Il y a une rupture dans une grande tendance historique, qui était l'augmentation de la population salariée. En 1970, vous aviez 80% de la population qui était salariée et 20% qui était indépendante. Nous avions atteint un plancher avec 90% de salariés et 10% d'indépendants au début des années 2000 et puis aujourd'hui ça remonte.

C'est quand même très net : +25% en 15 ans

J.D. : il reste quand même 78% de la population active qui est salariée. Mais c'est vrai qu'il y a une rupture historique.
Comment l'expliquez-vous ?
J.D. : la première explication c'est quand même le régime des auto-entrepreneurs. Vous avez parmi les nouveaux indépendants essentiellement des auto-entrepreneurs. 25% des indépendants sont des auto-entrepreneurs. La deuxième chose, c'est qu'il y a une aspiration à travailler autrement. Vous avez en particulier dans les jeunes générations moins d'aspiration à devenir salarié qu'auparavant.

Est-ce que ça n'est pas simplement parce qu'il est de plus en plus difficile de décrocher un contrat de salarié ?

J.D. : la grande raison c'est évidemment le chômage. Vous avez donc des gens qui aspireraient à devenir salariés et qui ne peuvent pas le devenir, qui créent leur activité, de manière choisie et heureuse, et pour d'autres de manière subie et malheureuse. 


Aux États-Unis on parle de 33% de travailleurs indépendants. Est-ce qu'en France le régime de protection social est adapté à la montée du statut d'indépendant ?
J.D. : aux États-Unis on a effectivement une augmentation du nombre de personnes qui peuvent facturer leur activité de façon indépendante, mais c'est souvent en complément de revenus salariés. Donc il n'y pas un délitement considérable du salariat.

La protection sociale à la française est organisée dans le sens d'un développement du salariat

Les indépendants ont désormais un régime connu sous le nom de RSI qui présente deux originalités : les niveaux de cotisation sont plus faibles, mais les niveaux de prestation sont aussi plus faibles, et la deuxième c'est que la relation de service est un accident industriel : des gens reçoivent des courriers leur réclamant des sommes absurdes, d'autres ne peuvent pas toucher les prestations auxquelles ils peuvent prétendre.

Et c'est un grand paradoxe sur ce que l'on dit sur les indépendants : c'est que d'une part c'est célébré comme le renouveau de la nouvelle économie, et d'autre part, en matière de sécurité sociale, c'est un régime qui présente des défaillances d'un autre âge.

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