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On s'y emploie. Le plaidoyer d'un "salaud de patron"

"On s'y emploie", c'est tous les dimanches un gros plan sur le monde du travail, avec une personnalité qui l'éclaire. Aujourd'hui on s'intéresse aux petits patrons, souvent mal aimés, au point que l'un d'eux a eu l'idée d'écrire la "Chronique d'un salaud de patron".

Article rédigé par franceinfo, Philippe Duport
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
Patron dans son entreprise. (GETTY IMAGES)


Réponses de Julien Leclercq, il dirige une PME de 45 salariés dans le Lot-et-Garonne. Il est l'auteur de ce journal de bord d'un "salaud de patron", sept jours passés à suivre la vraie vie d'un chef d'une petite entreprise. Le livre sort jeudi prochain.

Pourquoi ce titre provocateur, vous avez l'impression de passer pour "un salaud" ?

J.L. : Oui c'est malheureusement une image dont on souffre, avec encore beaucoup de postures caricaturales autour de notre fonction si spéciale. Et c'est une image contre laquelle on a envie de combattre. On en a eu un bon rappel lors des défilés contre la loi Travail : les manifestants brandissaient des pancartes parfois assez violentes, il y a eu par exemple ces deux jeunes filles qui voulaient pendre les patrons sous le pont d'Avignon...

L'image des petits patrons n'est-elle pas en train de gagner en sympathie ?

J.L. : ça bouge, il y a de plus en plus d'entrepreneurs de terrain dans les médias, on commence à parler de plus en plus des PME mais ça prend du temps et ça devrait aller beaucoup plus vite, notamment parce qu'on parle de relancer l'emploi et que c'est par les PME que ça passera.

Et pour vos interlocuteurs administratifs, avez-vous aussi l'impression d'être un salaud ?

J.L. : Un salaud peut-être pas, mais en tout cas une personne bizarre. Je ne voudrais pas faire pleurer dans les chaumières mais on se sent souvent incompris et on ne parle pas le même langage que ces interlocuteurs là, encore trop souvent.

Cette réforme sur le droit à l'erreur, promise par Emmanuel Macron, pour ne plus systématiquement punir le chef d'entreprise qui commet une erreur, est-ce important ?

J.L. : oui, c'est très important, le droit à l'erreur dans une déclaration, mais aussi le droit à l'échec et le droit à l'oubli. Cela fait partie des choses qui marchent mieux aux Etats-Unis qu'en France. L'échec et l'erreur construisent notre quotidien.

Moi je vais me tromper, parce que je ne suis pas un arnaqueur,  et ces erreurs on va les payer hyper cher, à la fois personnellement parce que ce sont des boules au ventre, et puis financièrement... On manque de soutien pédagogique, parce que les gens qui viennent dans nos boîtes pour voir ce que l'on fait, ils ne viennent pas nous aider mais nous sanctionner parce qu'on a fait forcément des erreurs. Le droit est fait d'une telle façon qu'il est impossible de ne pas faire d'erreur dans une PME qui n'est pas armée pour ça. 

Donc vous demandez qu'on vous aide et pas qu'on vous sanctionne systématiquement...

J.L. : oui, et c'est juste du bon sens. On sait que 80% des emplois sont créés par des PME. Ce sont des petites boîtes qui embauchent. Elles sont gérés par des gens qui ne sont pas des spécialistes du droit social, du droit fiscal, du droit du travail, du management, des RH. On a créé une boîte pas parce qu'on s'est dit un jour "ouah, je connais super bien les 3.600 pages du Code du travail", mais parce qu'on a eu une conviction très forte, une idée et on s'est dit on va pouvoir en vivre et peut-être même en vivre et faire vivre d'autres.

Et on se retrouve devant un quotidien qui a de très bons côtés mais qui est aussi rempli de situation ubuesques et aberrantes. Et donc si on veut que ces PME soient meilleures, et on nous dit souvent qu'en France on n'est pas assez performants, qu'on est trop petits, il faut nous aider, il faut nous expliquer, venir dans l'entreprise une fois deux fois chaque année et nous dire "voilà à quoi vous avez droit, est-ce que vous avez pensé à ça, attention là vous n'êtes pas dans les clous", et là on sera meilleur.

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