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On s'y emploie. Charpentier : la "vie solide" de ceux qui travaillent avec leurs mains

De plus en plus de salariés du tertiaire se reconvertissent dans l'artisanat. Un jeune juriste en a fait un livre. "La vie solide" raconte son apprentissage du métier de charpentier. Un éloge des métiers manuels.

Article rédigé par franceinfo, Philippe Duport
Radio France
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Temps de lecture : 3min
  (PHILIPPE HUGUEN / AFP)

Arthur Lochmann est juriste, philosophe, traducteur... et charpentier. Il vient tout juste de publier aux éditions Payot La vie solide. C'est un peu comme le Moby Dick de Melville, on y lit des pages et des pages sur des choses et des gestes très techniques, comment clouer, comment scier, mais ça nous absorbe complètement, ça apaise même. Ça rappelle bien sûr un autre livre, paru il y a quelques années. L' Éloge du carburateur de l'américain Matthew Crawford. Un éloge du faire, du travail manuel.

Pourquoi, à un certain moment de votre vie, avoir choisir de devenir charpentier ? Et avec les compagnons du Tour de France ?

Arthur Lochmann : C'était aussi un hasard. J'étais à la fac sans trop savoir pourquoi et j'ai eu envie de prendre le large et d'avoir un métier pour pouvoir voyager. Je suis allé voir les compagnons du devoir. J'ai choisi charpentier sur un coup de dés.

france info : Vous écrivez que "la figure de l'artisan permet de suspendre la question de l'identité pour la remplacer par la question de l'agir".

On constate un regain d'intérêt, dans des itinéraires de reconversion, pour les métiers où l'on se sert de ses mains

Les identités sont de plus en plus fluides ou liquides. On n'est plus arrimé à un métier, à une région d'origine. On évolue tout au long de la vie et l'apprentissage d'un métier artisanal, où l'éthique du "bien faire" est très importante, donne des clés pour ces reconversions, donne des repères dans une vie où les repères sont fluides.

Parlez-nous de la répétition des gestes

Ça peut faire peur justement aux partisans du tertiaire, faire toute sa vie la même chose : des baguettes, couper de la viande, monter une charpente...

Arthur Lochmann : Un des plus grands plaisirs que j'ai sur les toits, c'est de planter des clous. Quand on en plante un grand nombre on précise le coup de marteau, et à chaque fois que la tête du marteau frappe celle du clou, on a un verdict sur la qualité du geste qu'on a exécuté, qui à chaque fois se précise.

On a parfois l'impression que la charpente c'est un art martial

Par exemple, quand vous décrivez l'acte de scier du bois et que vous dites que "bien scier vient des pieds" ou que vous décrivez la relaxation que vous éprouver à clouer...

Arthur Lochmann : Je parle aussi du largeot, le pantalon des charpentiers, comme d'un kimono des faîtages ! La plupart des gestes qu'on effectue sur les charpentes, dans des conditions un peu périlleuses, demandent pas seulement un engagement de la main et du cerveau, mais aussi de l'ensemble du corps, des pieds, des jambes, du buste et effectivement scier, ça vient des pieds.

franceinfo : Vous parlez aussi de la façon dont on lit le bois, des parfums du bois, du ciel au-dessus de vous.

L'artisanat, c'est un contact direct avec les éléments, qui nous manque, dans nos bureaux?

Arthur Lochmann : Au début de la formation, je souffrais beaucoup, j'avais la peau des mains en lambeaux, des ongles arrachés, mais ce qui m'a fait rester c'est l'odeur du red cedar, un cèdre rouge qu'on travaille beaucoup, qui dégage une odeur poivrée, très chaude, et c'est une chose qui me faisait tenir malgré la souffrance dans les doigts.

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