Nouveau monde. La délicate question de la lutte contre les contenus haineux sur Internet
La proposition de loi contre la haine en ligne arrive mercredi 3 juillet à l’Assemblée. Elle va renforcer la règlementation à l’égard des réseaux sociaux et des moteurs de recherche en matière de modération des contenus.
Comment endiguer la haine sur Internet qui aurait encore progressé de 30 % en un an ? Laëtitia Avia, la députée de La République en Marche, connaît bien le problème pour avoir elle-même fait l’objet de propos racistes sur les réseaux sociaux. Le nombre de plaintes enregistrées demeure faible et contribue à un sentiment d’impunité.
Le texte prévoit un délai de 24 heures, au maximum, pour retirer les contenus manifestement haineux sous peine d’une amende pouvant aller jusqu’à 1,2 million d'euros. Le CSA aura donc un rôle accru car il devra veiller à ce que les plateformes fassent le maximum pour lutter contre la haine, sous peine de sanctions pouvant atteindre 4 % du chiffre d'affaires annuel mondial.
Les plateformes devront aussi mettre en place un système simple et unifié de signalement, c'est-à-dire un bouton virtuel visible et utilisable par tous, qui permet d’alerter la plateforme en cas de publication de contenus illégaux. Des sanctions sont également prévues pour éviter les abus de signalement qui pourraient être le fait de groupes de pression organisés.
Les plateformes érigées en juges ?
En théorie, tout le monde est d’accord pour lutter contre les contenus illicites en ligne. Mais, dans la pratique, cela n’est pas forcément simple. Le champ de la loi a été considérablement élargi en commission. Il concerne maintenant toute "provocation à la violence contre une personne en raison de sa religion, de son pays, de sa couleur de peau, de son orientation sexuelle". Il pourrait encore être élargi lors de la discussion au Parlement. Le premier risque est donc celui d’une loi fourre-tout.
Ensuite, il y a le risque de la restriction de la liberté d’expression. Si certains contenus "manifestement illicites" sont facilement identifiables (par exemple : "sale négresse"), c’est plus compliqué pour des propos exprimant un point de vue possiblement contestable mais pas clairement haineux. Il existera forcément toujours une zone grise nécessitant une évaluation. En théorie, seule la justice peut se charger de cette évaluation. Mais, dans les faits, les plateformes craignent, compte tenu du délai imparti de 24h, d’avoir à trancher elles-mêmes.
Du coup, pour se prémunir, elles risquent de faire du "surblocage", un effet pervers que le gouvernement souhaite absolument éviter. Le gouvernement promet la mise en place d’une commission consultative afin que les plateformes ne soient pas les seules à décider.
Comment ça se passe à l’étranger ?
Aucun pays n’est encore parvenu à régler ce problème de la haine en ligne. En Allemagne, une loi très stricte a été mise en place depuis janvier 2018. Facebook a été condamné le 2 juillet à deux millions d’euros, non pas pour avoir tardé à retirer des contenus mais pour n’avoir pas suffisamment rendu visible son fameux bouton de signalement.
Depuis l’instauration de cette loi en Allemagne, les plateformes auraient tendance à retirer beaucoup de contenus et les internautes à se plaindre de censure, ce qui engendre du contentieux. C’est le fameux surblocage qui se retourne finalement contre l’ensemble des internautes censés être protégés.
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