“Chat Control“ : la confidentialité des messages privés en Europe, menacée ?

La protection de l’enfance face aux abus sexuels : c’est l’objectif de “Chat control“, surnom donné – par ses opposants – à la mesure contenue dans un projet de texte européen qui instaurerait une surveillance des messageries électroniques. Il devait être examiné jeudi mais il a finalement été déprogrammé, à dix jours de la fin de la présidence belge de l’Union européenne.
Article rédigé par Benjamin Vincent
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Le Chat Control, ses opposants et ses partisans. Un projet de texte européen qui instaurerait une surveillance des messageries électroniques, devait être examiné jeudi mais il a finalement été déprogrammé. (Ilustration) (WITTHAYA PRASONGSIN / MOMENT RF / GETTY IMAGES)

Accéder aux messages privés, y compris ceux qui sont chiffrés de bout en bout, pour les scanner afin de protéger les enfants des abus sexuels, ou garantir la confidentialité des échanges en renonçant à un moyen d’identifier les auteurs de messages contenant des images et des liens pédopornographiques : voici le choix face auquel la présidence belge de l’Union européenne a donc botté en touche, avant-hier, repoussant un nouvel examen du texte, deux ans après la première présentation du projet.

Il était apparu, dans les heures qui ont précédé, que la majorité qualifiée requise ne serait pas atteinte face à ce qu’Edward Snowden, le lanceur d’alerte, qualifiait mardi soir, sur le réseau X, de “dispositif de surveillance de masse terrifiant“.

Une aubaine pour les hackers et les nations hostiles à la démocratie ?

De son côté, la présidente de Signal, la messagerie cryptée avait menacé – lundi – de quitter le marché européen en évoquant le risque de vulnérabilité induit, par ce que le texte appelle “la modération à l’envoi“ : en clair, l’examen des photos et des liens contenus dans les messages, avant leur expédition. Meredith Whittaker avait mis en garde contre la fragilisation du chiffrement des messages, avec la création de portes dérobées informatiques dont les hackers, notamment ceux qui sont au service des nations hostiles à la démocratie, pourraient être les premiers bénéficiaires.

Que changerait cette réglementation si elle était adoptée ? Elle imposerait aux messageries comme WhatsApp, Messenger, Signal ou Telegram de donner un accès à toutes les images et à tous les liens que les utilisateurs envoient, et donc, très concrètement, cela reviendrait à faire disparaître le chiffrement de bout en bout, qu’utilisent la plupart de ces services.

Le texte prévoit de prévenir l’utilisateur, dans les conditions d’utilisation du service à approuver, que les images et les liens seront scannés. Et s’il refuse, alors il ne pourra pas les partager. Pour les opposants au Chat Control, les communications privées et chiffrées sont – justement – l’une des pierres angulaires des démocraties modernes.

Rapport de force entre opposants et partisans du Chat Control

Le report de l’examen du texte serait donc dû à l’évolution du rapport de force entre partisans et opposants de la mesure controversée. Pour être adoptée, elle aura besoin du soutien d’au moins 15 des États membres représentant au moins 65% de la population : c’est cette majorité qualifiée requise qui aurait manqué jeudi. Or juste avant le moment où le texte aurait dû être examiné s’il était resté à l’ordre du jour, l’Allemagne, l’Autriche, la Pologne, les Pays-Bas et la République tchèque étaient donnés plutôt contre.

Le texte sera donc bientôt géré par la nouvelle présidence hongroise de l’Union européenne, à partir du 1er juillet. Viktor Orban, le Premier ministre hongrois, y serait très favorable.

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