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Un espion hors norme : Richard Sorge, l'un des espions les plus célèbres du XXe siècle

Focus géopolitique sur l'actualité européenne est-ouest en ces temps troublés. José-Manuel Lamarque nous parle aujourd'hui d'un espion hors norme du XXe siècle, avec Vladimir Fédorovski.
Article rédigé par franceinfo - José-Manuel Lamarque
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Temps de lecture : 4min
L'espion Richard Sorge (1895-1944) exécuté par pendaison par les Japponais, le 7 novembre 1944. (GETTY IMAGES / HULTON ARCHIVE / GETTY IMAGES)

Le récent ouvrage de Vladimir Fédorovski, Un espion pour l'éternité, édité chez Balland, c'est la biographie de Richard Sorge, cet Allemand qui, après la guerre de 14, rejoint le Parti communiste allemand. Son grand-oncle, il faut le dire, était proche de Karl Marx. Sorge devient un espion soviétique, c'est un grand journaliste, on le retrouve à Tokyo, auprès de l'ambassade d'Allemagne. Il est inscrit au parti nazi et grâce à lui, le Japon va entrer en guerre contre les États-Unis d'Amérique.

franceinfo : Alors, ce grand espion de Staline, Richard Sorge, en quoi est-il d'actualité ?

Vladimir Fédorovski :
Richard Sorge, non seulement, c'est le plus grand espion du XXe siècle, non seulement, il a inspiré tant de films et d'œuvres littéraires, non seulement, il a été élu plusieurs fois le meilleur journaliste de l’Allemagne, mais surtout, c'était un penseur, cofondateur de l'École de la sociologie moderne de Francfort, et aujourd'hui, plus que jamais, il est actuel parce qu'il a beaucoup réfléchi sur l'approximation, sur l'analyse de l'information. C'était un des meilleurs analystes de l’information du XXe siècle, et il nous a prévenus du danger qui nous guette aujourd'hui.

Dans sa dernière dépêche qu'il a envoyé au Kremlin, il a dit, il ne faut jamais prendre ses désirs pour des réalités, ses fantasmes, il a utilisé le mot fantasme pour la réalité, et aujourd'hui, je dis souvent qu'on vit un des moments les plus dangereux de l'histoire de l'humanité, notamment parce qu'il y a une sorte de mélange de genres entre la politique réelle et la propagande,  l'espionnage, bien entendu, tout ça, c'est porté au pinacle, et ça devient la politique réelle.

Vous parlez de fantasme, est-ce que l'on fantasme l'actualité aujourd'hui qui, parfois, peut paraître cauchemardesque ?

Les fantasmes de notre actualité, il y en a des deux côtés. Vous savez que l'année qui a passé, c'était un triomphe de la propagande dans la réalité, et c'est évidemment ce qui s'est passé avec les sanctions occidentales. Je me souviens, on me disait Vladimir, ce sera très simple, la Russie va s'écrouler deux semaines après les sanctions. Le résultat est que les Russes ont gagné deux fois plus d'argent avec les hydrocarbures, vous savez que la baisse de croissance en Russie, est nettement moins importante que par exemple en Allemagne, je ne parle pas du chômage, etc.

Le dindon de la farce dans la réalité, c'est l'Europe. Vous savez, pendant la guerre, il y a toujours la propagande, c'est presque normal. Mais en revanche, faire la propagande et y croire, c'est quelque chose de dangereux, ça nous donne des leçons, comment il faut faire la distinction entre ses propres désirs, même ses propres blessures, et les réalités.

Le grand stratège chinois, Sun Tzu le dit : il n'y a pas de guerre sans bons renseignements. Est-ce que du renseignement – puisque là, on parle de Richard Sorge le grand espion – on arrive aussi à la propagande ? Il y a un lien avec notre actualité ?

Vous savez, renseignement et propagande, ce sont deux choses différentes. Je vais vous dire, ça, c'est plus important que jamais. Jusqu'à quel point la propagande est distancée de la politique réelle, je pense toujours au fait incontestable que l'espionnage, aujourd'hui, est un facteur essentiel de la guerre, évidemment vous avez raison, accompagnée de la propagande, parfois la propagande bas de gamme, parce que c'est pire que la guerre froide.

Et dans tout ça, que voulez-vous démontrer concernant Richard Sorge, et aujourd'hui le conflit Russie-Ukraine, et bien sûr son influence en Europe ?

Il y a deux aspects. Tout d'abord, je suis romancier, et c’est un personnage éminemment romantique, mais deuxième message, c'est le plus important, je dis aujourd'hui, il faut étouffer presque nos propres désirs. Moi, je suis d'origine ukrainienne quand j'analyse les choses, je vis ces événements comme une grande tragédie, mais j'essaie d’analyser ça d'une manière froide, et de prévenir des dangers qui nous guettent à travers Sorge, ce qui est le plus précieux pour nous, c'est d'éviter la guerre mondiale, et je pense que plus que jamais, le retour à la paix est nécessaire en Ukraine.

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