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Micro européen. L’impossible Monsieur Tsipras

Alexis Tsipras, Premier ministre grec, nommé le 26 janvier 2015 au lendemain des élections législatives, se voyait à la tête de la nouvelle Grèce avec son parti Syriza. Mais les récentes élections lui ont signifié de manière cinglante sa défaite. 

Article rédigé par franceinfo - José-Manuel Lamarque
Radio France
Publié
Temps de lecture : 5 min
Le Premier ministre grec Alexis Tsipras, au Parlement à Athènes, le 15 janvier 2019 pendant le débat sur le changement de nom de son voisin macédonien. (LOUISA GOULIAMAKI / AFP)

Si Alexis Tsipras et son parti Syriza boivent la tasse, ce n’est pas pour déplaire aux Grecs. Élections européennes, municipales et régionales, le fiasco est total pour Alexis Tsipras. D’ailleurs, ses résultats pitoyables l’ont obligé à déclencher des élections législatives anticipées pour le 7 juillet prochain.

La sanction des Grecs, comme une odeur de punition

Au début, en 2015, ce jeune homme politique venant d’un parti très à gauche, ne portant jamais de cravate, apparaissait comme le sauveur, celui qui allait faire oublier les années de crise aux Grecs, affronter celles et ceux qui voulaient faire plier la Grèce. Mais il n’en fut rien, bien au contraire.

De chevalier blanc, la couleur disparaissait pour faire apparaître un prince noir. L’espoir de la Grèce collaborait avec la Commission européenne, le FMI, la Troïka, et laissait le peuple grec s’enfoncer de plus en plus vers le chemin de la misère. Manifestants gazés, matraqués, retraités comme chômeurs, Alexis Tsipras changeait petit à petit de visage, son masque tombait, et la Grèce avec. Mais il lui en fallait plus, toujours plus, et après la pauvreté, il allait s’en prendre aux fondements de son pays.

La Grèce était à vendre et il l’a vendait, les chômeurs touchaient de moins en moins d’allocations, les retraités voyaient leur retraites baisser de mois en mois. Tsipras faisait la part belle à tous les acheteurs étrangers et ne s’opposait nullement à celles et ceux qui dépeçaient la Grèce. Mais ce n’est pas seulement à l’imparfait qu’il faut imaginer la Grèce d’Alexis Tsipras, le temps au présent n’est que la continuité de sa politique avec l’appauvrissement du peuple et le départ de la jeunesse d’un pays qu’elle adore, mais ne peut plus y vivre.

Tsipras et le pilier grec

La Grèce vit sur un pilier fondamental qui lui a permis d’exister malgré l’occupation ottomane durant des siècles, l’église orthodoxe. Les popes étaient le symbole de la résistance grecque face à l’occupant ottoman, en créant les écoles de la nuit où les enfants les rejoignaient pour apprendre l’histoire de la Grèce, sa culture, sa langue. C’est ce pilier qui a fait tenir les Grecs durant des siècles. Et durant la crise, aujourd’hui encore, l’église orthodoxe assure un service social que l’état ne peut plus pourvoir, entre autre les repas pour les plus pauvres. En pleine tempête économique, l’église orthodoxe est une nouvelle fois présente au service des plus démunis.

Pourtant, Alexis Tsipras, présumé sauveur de la Grèce, s’était mis en tête de démanteler le pouvoir de l’église orthodoxe, entre autre, de retirer le statut de fonctionnaires aux popes, afin de reverser leurs salaires à ses amis politiques et de trouver, comme d’habitude, un "arrangement" pour régler les salaires des popes. Pour lui, il fallait absolument mettre au pas l’église orthodoxe. Et ensuite, il se serait peut-être attaqué à l’identité même de la Grèce, sa culture, ses us et coutumes, sa langue. Mais son plan n’a pas fonctionné, Alexis Tsipras avait mal jaugé le pouvoir de l’église grecque.

Autruche ou réel complice

C’est toujours la question qui revient à l’esprit concernant Alexis Tsipras. Et pourtant, c’est bien Tsipras qui n’a pas hésité à ouvrir les frontières de la Grèce à des migrants que le pays était incapable de prendre en charge, c’est aussi lui qui a récupéré les migrants que les autres états membres européens ne voulaient plus. Une nouvelle fois laissant faire Bruxelles à sa guise.

Il n'y a pas que le torchon qui a brûlé

Les Grecs reprochent aussi au gouvernement d'Alexis Tsipras d'avoir mal géré les secours durant l'été meurtrier 2018 où des incendies ont ravagé une partie de l'Attique avec un lourd bilan de 93 morts. 

Skopje, le nœud gordien de Tsipras

Enfin, ce qui a été fatal à cet apprenti politique, ce fut bien la question macédonienne. Il était inimaginable de pouvoir laisser un état garder le nom de Macédoine alors qu’il s’agit d’une province grecque. Qui plus est, Tsipras laissait faire Skopje à sa guise, et une fois de plus courbait l’échine. Ce fut la fois de trop.

Les Grecs le lui ont fait savoir par de gigantesques manifestations. Ce fut pour Alexis Tsipras "la fois de trop". La Macédoine a été la goutte qui a fait déborder le vase, les Grecs se sont sentis trahis, trahison de l'histoire grecque dans cette région, celle de Philippe de Macédoine et d'Alexandre le Grand.

Le grand retour des familles de la politique grecque

Le grand gagnant de ces triples élections fut le parti conservateur Nea Democratia, Nouvelle Démocratie, avec à sa tête Kyriakos Mitsotakis. Kyriakos Mitsotakis est le fils de Konstantinos Mitsotakis. Ancien premier ministre, il fut une des figures des trois grandes familles qui ont gouverné la Grèce, Mitsotakis, Caramanlis et Papandréou.

Si Kyriakos Mitsotakis remporte les élections législatives, c’est une dynastie politique qui revient au pouvoir en Grèce. Kyriakos est le frère de Dora Bakoyanni, ancienne ministre et maire d’Athènes et fille de Konstantinos. Elle est aussi la mère du nouveau maire d’Athènes, Costas Bakoyannis.

Rien de ne dit aujourd’hui que les Mitsotakis-Bakoyannis vont sauver les Grecs et la Grèce, redresser le pays et faire oublier que les seules choses gratuites en Grèce sont la mer et le soleil. Redonneront-ils l’espoir à un peuple fatigué d’avoir été trompé pendant tant d’années, et constater que les promesses se sont accompagnées d’une lente dérive vers le gouffre de la misère ?

"En toute chose, c’est la fin qui est essentielle"
Aristote

Pour l’instant le bilan d’Alexis Tsipras est plutôt dans le rouge, les prochaines élections législatives pourraient bien faire rougir encore plus ce bilan, jusqu’à l’écarlate, sa chute pourrait bien donner le jour à un parti helléniste si Mitsotakis ne parvient pas à redonner le goût de la Grèce aux Grecs.

L'histoire de la Grèce du XXIe siècle a fort mal commencé avec la crise, souhaitons qu'elle se termine pour le mieux en Grèce, pays berceau de l'Europe.

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