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Micro européen. La Grèce et ses tourments

En Grèce, une femme est élue pour la première fois à la présidence de la République.

Article rédigé par franceinfo - José-Manuel Lamarque
Radio France
Publié
Temps de lecture : 8min
Ekaterini Sakellaropoulou à Athènes (Grèce), le 15 janvier 2020. C'est la première femme, chef de l'Etat grec élue à une large majorité le 22 janvier dernier par le parlement grec.  (VASSILIS REMPAPIS / EUROKINISSI)

Le 22 janvier dernier, la magistrate Ekaterini Sakellaropoulou, diplômée de droit constitutionnel et de droit de l’environnement, a été élue présidente de la République sur proposition du Premier ministre par le Parlement grec, mais l’événement hellénique de voir une femme à la tête de la République ne bouleversera pas la politique grecque.

Poste très honorifique

En Grèce, c’est le Premier ministre qui gouverne, le conservateur Kyriakos Mitsotakis. Élue au premier tour de scrutin, Ekaterini Sakellaropoulou a déclaré "aspirer à une société qui respecte les droits, en vertu de la Constitution, de la Charte européenne des droits fondamentaux et de la Convention européenne des droits de l’homme", ce qui n’a pas dû déplaire à la Secrétaire générale du Conseil de l’Europe, Marija Pejcinovic Buric.

Ekaterini Sakellaropoulou prêtera serment le 13 mars prochain. Défenseuse de l’environnement et des droits fondamentaux, elle veut initier une nouvelle ère d’égalité, en premier lieu l’égalité hommes-femmes, pour un pays qui est encore pointé du doigt par ses partenaires européens. Les vœux d’Ekaterini Sakellaropoulou ont été salués par la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen. Il faut dire qu’Ekaterini Sakellaropoulou avait déjà marqué l’actualité grecque en devenant naguère la première femme à la tête de la plus haute Cour du pays en octobre 2018, déjà sur proposition de l’ancien Premier ministre, AlexisTsipras.

Connue pour certaines prises de position en faveur de réfugiés, Ekaterini Sakellaropoulou n’est pas étrangère non plus aux milieux industriels, soit la mosaïque parfaite pour l’actuel premier ministre, Kyriakos Mitsotakis, qui voit en Ekaterini Sakellaropoulou le "symbole d’une transition vers une nouvelle ère", puisque le gouvernement de Kyriakos Mitsotakis veut s’engager sur l’énergie verte, à l’image du Green Deal d’Ursula von der Leyen, et espère ainsi redonner confiance en l’avenir pour la Grèce.

La "faire-valoir" de Kyriakos Mitsotakis  

Il paraît clair que l’élection d’Ekaterini Sakellaropoulou, sur proposition de Kyriakos Mitsotakis, apparaît telle une place donnée aux priorités d’égalité et humanitaires en Grèce, conjuguées à une ouverture sur la protection de l’environnement. L’image est claire, nette, sans aspérités, une femme présidente de la République grecque, en conformité avec les aspirations européennes de porter l’Union vers un avenir "vert". Ainsi, l’image est sauve, et le Premier ministre peut s’atteler à la politique qu’il initie en Grèce, on pourrait dire que grâce à Ekaterini Sakellaropoulou, Kyriakos Mitsotakis a les mains libres.

La question des migrants  

Étant la première porte d’entrée des migrants en Europe, la Grèce fait face à une surpopulation de réfugiés qui provoque aujourd’hui des manifestations anti-migrants, surtout dans les îles Égéennes qui "étouffent" littéralement, où la population locale voit péricliter l’économie locale.

L’arme turque d’ouvrir ses frontières afin de submerger la Grèce de migrants a très bien fonctionné naguère, laissant la Grèce dans un désarroi total face à ces flots de réfugiés, et que le gouvernement de gauche d’Alexis Tsipras laissait "plutôt faire", en autorisant aussi sur le sol hellénique la venue d’ONG, dont toutes n’étaient pas seulement humanitaires. C’est aussi à cause ce "laisser-aller" que les Grecs se sont tournés vers les conservateurs de Kyriakos Mitsotakis, qui veulent trouver une solution à tout prix, afin de résoudre la question des migrants sur le sol grec.

D’ailleurs le gouvernement de Kyriakos Mitsotakis envisage de mettre en place un dispositif pour endiguer le flux migratoire, soit une barrière anti-migrants, c’est-à-dire un filet de 2,7 km de long au large de l’île de Lesbos, afin de dissuader toute arrivée sur les côtes grecques ; en plus de ses frontières terrestres et maritimes, la Grèce va se doter d’une frontière flottante.  

Un appel aux investisseurs

L’arrivée au pouvoir de Kyriakos Mitsotakis n’a rien changé au quotidien des Grecs, comme nous l’a signalé notre invitée, la journaliste Maria Denaxa. Après une décennie d’une crise économique qui a mis les Grecs à genoux - les drastiques plans européens et du FMI qui ruinèrent la Grèce et qui furent un véritable laboratoire d’eugénisme économique - aujourd’hui, le gouvernement conservateur veut faire croire à un début de reprise économique, pourquoi pas, mais qui ne règle rien au difficile quotidien de la population grecque qui n’a jamais mérité d’être traitée en exclue ou maudite par Bruxelles, Berlin et le FMI.

Il est vrai que la Bourse d'Athènes se porte bien, elle avait d’ailleurs réalisé la meilleure performance des bourses européennes en 2019. Les milieux autorisés annoncent que la croissance repart, "on" l’espère à 2,8%. Lors de sa visite à Paris, Kyriakos Mitsotakis et sa délégation ont mis l’accent dans les différents entretiens, à commencer lors de l’accueil reçu à l’Elysée, sur l’appel à investissements et aux investisseurs en Grèce.

Face à la lourde concurrence chinoise en Grèce, le gouvernement grec lance un appel à ses partenaires européens pour investir en Grèce, et Kyriakos Mitsotakis, comme ses ministres ou le monde économique et industriel hellénique, compte beaucoup sur ses homologues français, car la France a toujours été considérée et estimée comme l’alliée privilégiée de la Grèce.

L’épine turque de Monsieur Erdogan

Lors de son entrevue avec Emmanuel Macron, Kyriakos Mitsotakis a obtenu le soutien de la France contre les intrusions de la Turquie dans les eaux territoriales grecques et l’espace aérien grec. Il faut dire que la volonté répétée d’Ankara d'effectuer des forages dans une zone maritime grecque considérée comme riche en hydrocarbure, est à l’image de la même volonté d’Ankara de procéder de la même manière et avec le même entêtement dans les eaux chypriotes, à des forages.

C’est la raison pour laquelle la Grèce a renforcé ses relations avec la République de Chypre, Israël et l'Égypte, avec à la clé un projet de gazoduc. Indéniablement, si la presse grecque suggère que la question du différend entre Athènes et Ankara soit gérée par Angela Merkel, qui pour l’heure n’a pas montré l’espace d’un engagement, et aurait des chances d’aboutir, les tensions turques demeurent, et la crainte d’un conflit n’est pas écarté, hélas.  

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