Les Balkans, miroir de l’Europe ?

Focus aujourd'hui dans "Micro européen" sur les Balkans, à travers un ouvrage publié sous la direction de Jean-Arnault Dérens et Benoît Goffin, dans la collection "Odyssée, villes-portraits" de l'École nationale supérieure de Lyon.
Article rédigé par franceinfo - José Manuel Lamarque
Radio France
Publié
Temps de lecture : 4 min
Même si de plus en plus de touristes se rendent dans les Balkans, les pays de la région restent méconnus de l'Europe de l'Ouest. (Illustration) (JUANMONINO / E+ / GETTY IMAGES)

Dans cet ouvrage, Balkans, Jean-Arnault Dérens et Benoît Goffin proposent "un parcours, depuis Vienne, haut lieu des diasporas balkaniques, jusqu'à Bihać, à la porte de l'Union européenne et de l'espace Schengen, que tentent de franchir les exilés qui traversent les Balkans. Alors que les pays de la région attendent toujours une intégration européenne promise depuis 2003, des nuages s'amoncellent à nouveau : conflits non réglés en Bosnie-Herzégovine comme au Kosovo, corruption et clientélisme, dérive autoritaire des dirigeants."

franceinfo : Les Balkans pour l'Europe de l'Ouest, sont un peu méconnus quand même ?

Jean-Arnault Dérens : C'est tout à fait exact, même si de plus en plus de touristes se rendent dans les Balkans. Sur la côte, mais pas seulement.  

Mais ce ne sont pas les touristes qui font la géopolitique ?

Non, en effet, il y a effectivement toujours, je dirais plus encore qu'une méconnaissance, l'idée qu'il serait impossible de comprendre les Balkans. Essayer de le comprendre serait finalement un petit peu suspicieux. Non, en réalité, les Balkans, c'est une région européenne, même si ce qui caractérise des états de cet espace est de ne pas encore faire partie de l'Union européenne, c'est un peu un trou béant au milieu de l'Union européenne. 

La Slovénie et la Croatie déjà sont des États membres...   

Avec la Bulgarie, la Roumanie, et la Grèce, mais pas d’autres états issus de l'éclatement yougoslave, ni l'Albanie, qui sont candidats, et qui seront certainement intégrés un jour ou l'autre, mais on verra bien comment ça se produira. Les Balkans par beaucoup d'aspects, c'est plutôt un laboratoire. Je pense que les guerres des années 90 de la fin du siècle dernier, ont à la fois soldé le cycle de la guerre froide, et préparé les guerres que nous connaissons aujourd'hui.  

Il faut rappeler qu'une partie des Balkans, c'était l'empire ottoman, c'était aussi l'empire austro-hongrois. Ce sont des Slaves du Sud, trois religions dans les Balkans, les catholiques, les orthodoxes et puis les musulmans. Quelque part, c'est aussi un miroir de ce que nous vivons tous ?

C'est un miroir posé à l'Europe, notamment dans la relation au pouvoir, à la contradiction entre les aspirations des peuples, qui ont effectivement des référents identitaires différents, variés, mais qui veulent fondamentalement vivre ensemble, et des dirigeants politiques qui jouent le registre des identités pour essayer d'opposer les uns aux autres.  

Ça, c'est le cas de la Bosnie-Herzégovine, entre autres ?

C'est notamment, par excellence, le cas de la Bosnie-Herzégovine. Mais la logique n'est pas très différente au Kosovo, ou dans d'autres pays de la région.  

Le gros morceau, c'est la Serbie ?  

Alors, la Serbie, bien évidemment, le pays le plus important géographiquement, démographiquement de la région, c'est sûrement une des clés des équilibres de l'ensemble de cet espace. Aujourd'hui, la Serbie est à la fois un pays qui connaît un régime autoritaire, même si pour les Occidentaux, tout le monde feint de courtiser, parce que l'on a un petit peu peur de ce que pourrait faire la Serbie… 

Monsieur Vučić est le président de la Serbie, et Xi Jinping lui a rendu visite ? 

Alors, les Balkans sont aussi devenus une des voies de pénétration majeures de la Chine en Europe, vers le centre du continent européen. Il faut rappeler aujourd'hui que plus de la moitié des investissements chinois se concentrent dans les Balkans. Mais ça, ça s'explique essentiellement par deux raisons.

Tout d'abord, par le fait que les autres investissements étrangers, notamment les investissements venant de l'Union européenne, se sont fait attendre, ne sont même jamais venus. Et puis que, d'une manière générale, le processus d'intégration a pris tellement de retard que les Serbes n'y croient plus beaucoup, et se disent qu'il vaut mieux se tourner vers le seul partenaire qui se présente et qui, en l'occurrence, est la Chine.  

Et le Kosovo, ancienne province serbe ?

Le Kosovo est un pays qui a proclamé en 2008 une indépendance qui n'est toujours pas reconnue, ni par la Serbie, ni par l'ensemble de la communauté internationale. C'est un pays qui est toujours au milieu du gué. C'est un pays dans lequel vit une majorité d'Albanais, mais également une minorité serbe. Et puis aussi, il ne faut jamais l'oublier, d'autres communautés plus petites, comme des Roms, des Bosniaques, des Turcs et quelques autres.

C'est un pays qui aspire certes à être indépendant, qui naturellement aura forcément toujours des relations très étroites avec l'Albanie, mais il faut aussi le souhaiter avec la Serbie, sauf qu'aujourd'hui, on en est toujours très loin. Parce que ces problèmes non réglés de la guerre de 1998-1999, toujours exploités par les politiciens des deux côtés, permettent de justifier les démagogies nationalistes, d'un côté comme de l'autre.  

Jean-Arnault Dérens, les Balkans, poudrière ou pas poudrière ?

Poudrière si l'Europe le veut bien. Si cette relation de périphérie marginalisée sur laquelle des grandes puissances essaient de jouer leur confrontation stratégique, fait que les Balkans demeurent, je dirais, moins une poudrière qu'un miroir grossissant des contradictions de notre monde. Et puis aussi, une sorte de bac à sable, de terrain de jeux, de ring de boxe, sur lequel on peut montrer ses muscles, ce que beaucoup de puissances ont fait, notamment à propos du Kosovo.  

Balkans par Jean-Arnault Dérens et Benoît Goffin, dans la collection "Odyssée, villes-portraits" de l'École nationale supérieure de Lyon.   

 

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