La Bosnie-Herzégovine : futur tourment de l’Union européenne ?
Les dernières informations dans les Balkans sont l’occasion pour "Micro européen" d’aborder la question de l’influence de la politique balkanique, à l’heure du conflit russo-ukrainien. Décryptage avec Christian Makarian, un grand connaisseur de la politique internationale.
Dimanche 3 avril, Aleksander Vucic était réélu président de la Serbie avec environ 60% des voix, la même semaine le vendredi 8 avril, six avions cargo Y-20 chinois ont livré des missiles HS22 à Belgrade.
De l’autre côté de la frontière se trouve la Bosnie-Herzégovine, un État né des accords de Dayton en 1995, dirigé par un haut représentant des Nations Unies avec une présidence collégiale, un croate catholique, un bosniaque musulman et un serbe orthodoxe, Milorad Dodik, le président de la Republika Srpska, dont la capitale est Banja Luka, alors que la capitale de la Bosnie-Herzégovine est Sarajevo.
État des lieux
Lundi dernier, le 11 avril, Milorad Dodik et Zeljka Cvijanovic, autre dirigeante de la Republika Srpska, se sont vus sanctionnés par la ministre des Affaires étrangères britannique, Liz Truss, qui a déclaré : "Ces deux politiques minent délibérément la paix durement gagnée en Bosnie-Herzégovine. Encouragés par Poutine, leur comportement irresponsable menace la stabilité et la sécurité dans les Balkans occidentaux. Avec ces sanctions sévères, nous montrons que les ennemis de la paix devront rendre des comptes."
Cette décision n’est-elle pas un nouveau motif pour Milorad Dodik d’accélérer une forte alliance avec Aleksander Vucic, au risque de déstabiliser la Bosnie-Herzégovine et le Kosovo, donc l’ouest des Balkans ? Une question posée à l’adresse de Christian Makarian.
De Belgrade à Sarajevo en passant par Banja Luka
Pour Christian Makarian, l’état des lieux entre Sarajevo, Banja Luka et Belgrade, repose sur la candidature de la Serbie à l’Union européenne. Il n’est pas un mystère que le président serbe et le président de la Republika serbska sont des proches du président russe, Vladimir Poutine, et que leurs peuples se considèrent comme des alliés de la Russie, les dernières manifestations populaires en faveur de la Russie à Belgrade, le prouvent.
Mais Aleksander Vucic se doit de garder une ligne proche de l’UE, vu sa demande d’adhésion. Ainsi a t-il abondé dans le sens de la majorité, au dernier vote des Nations Unies contre la Russie, mais il conserve par devers lui un soutien à la Russie, y compris en pleine guerre contre l’Ukraine.
Le velours d’Aleksander Vucic
On peut dire du président serbe qu’il possède un grand nombre de cartes dans sa main. Miroslav Dodik désire s’émanciper de la Bosnie-Herzégovine, tout d’abord en ayant sa propre armée. Pour Sarajevo, c’est-à-dire les parties croate et bosniaque du pays, il n’en est pas question. Mais l’histoire ne s’arrête pas là et risque de devenir un long continuum.
Pour l’ambassadeur de Russie, le soutien russe interviendrait en faveur de la Republika Serbska, si jamais la Bosnie-Herzégovie donnait des signes d’entrer dans l’Otan. Ici les choses sont dites, et le président Vucic tient quelque part l’Union européenne à la gorge, son entrée étant accompagné de très nombreuses conditions. Quant au secrétaire général de l’Otan, Jens Stoltenberg, il estime que la Bosnie-Herzégovine serait le prochain objectif de Vladimir Poutine après l’Ukraine.
Risque de guerre dans les Balkans ?
La question n’est pas nouvelle, depuis fort longtemps, on considère dans les milieux autorisés que l’implosion de la Bosnie-Herzégovie n’est qu’une question d’heures. Cet État "fabriqué" de toutes pièces par l’influence de la diplomatie américaine, ne peut concilier le rapprochement de communautés éloignées les unes des autres par l’histoire récente.
Il en va de même pour l’équilibre de la région avec la république du Kosovo, cette province serbe qui se veut un État et n’est pas reconnu par l’ensemble de la communauté internationale, république au passé sulfureux. Il est vrai que la construction de la Bosnie-Herzégovine est illogique. Pourquoi former un État avec trois communautés, serbe, croate et bosniaque, alors qu’il aurait été bien plus simple de laisser la communauté croate et son territoire en Croatie, idem pour la communauté serbe ?
Pour l’heure, le risque de conflit existe bel et bien, un conflit qui dépasserait sûrement la compréhension des technocrates de Bruxelles où l’influence, voire l’implication de Moscou et d’Ankara n’est pas à ignorer, mais à prendre sérieusement en compte, comme l’a confirmé Christian Makarian.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.