Micro européen. 2020, quelle Russie pour quelle Europe ?
Comment interpréter le rapprochement de Moscou avec Pékin ? Un rapprochement avec l'Europe est-il possible ? L'analyse de José-Manuel Lamarque aux côtés de son invité l'écrivain et ancien diplomate russe Vladimir Fedorovski.
Un aigle à deux têtes
A l’heure d’une nouvelle commission européenne, d’un futur Brexit, de certaines libertés prises par des Etats membres orientaux, la question est d’actualité car cette année 2020, bissextile, pourrait être un marqueur géopolitique. Le monde en mouvement voyant souvent voler en éclat les études et prévisions géopolitiques de la dernière décennie. Le pôle magnétique se déplace encore On savait que le pôle magnétique devenait mouvant, et les scientifiques tirent une nouvelle fois le signal d’alarme en signalant que le déplacement du pôle s’effectue en direction de la Russie. Rien de très politique dans tout cela, mais plutôt géophysique. L’image n’en est pas moins symbolique.
Les Etats Unis d’Amérique de Donald Trump ont tendance à un repli annoncé, avec de temps à autre quelques bons échanges avec Moscou et des actions déstabilisatrices bien loin de Washington et l’Amérique du Sud se morcelle entre des Etats en crise et d’autres prenant une position plus ferme. L’Afrique, vaste continent, mosaïque de peuples, d’ethnies, de langues, de cultures, d’Etats plus ou moins en bon état de gestion, la surpopulation du continent est un facteur à ajouter à cette liste de futurs événements à venir ou s’étant déjà initiés.
En Orient, le proche et moyen Orient n’ont de cesse de perdurer dans des conflits sans fins avec plusieurs intervenants pouvant y entrer ou s’en retirer, au loisir de fluctuations qui nous échappent bien souvent. Enfin, l’Asie partie orientale du continent européen, vaste domaine de peuples et d’Etats en marche du progrès et d’expansion, est à la marge de dangers climatiques par trop souvent ignorés. Quant à l’Asie centrale, ces états en développement bien que turcophones préfèrent encore et toujours la langue russe. Reste la Turquie et son dirigeant, éternellement désireux de recréer l’empire ottoman, menant maintenant ses troupes vers la Lybie, ne prêtant point l’oreille aux mises en garde du voisin égyptien.
Le changement climatique étant aussi un nouvel élément comptable de la marche du monde, si nombre de littoraux sont menacés de submersion et/ou d’érosion, certains terres océaniques sont sous la coupe de disparitions totales, en Océanie ou dans le Pacifique. Il en va de même sur notre planète où des terres, des Etats sont autant menacés politiquement que climatiquement. Ainsi pourrait se résumer l’état de notre globe, sans avoir abordé la question européenne.
Une Europe bien seule
Avec une démographie chancelante, mais un des meilleurs niveaux socio-économique, l’Europe marque le pas sur le reste du monde, par son potentiel unique. Autonome, l’Europe l’est et le vieux rêve pour certains ou cauchemar pour les autres, c’est-à-dire, le besoin de main d’œuvre, la question se pose toujours et encore pour l’Europe et mérite une clarification, celle du besoin de main d’oeuvre et à quel prix, c’est-à-dire qu’elle soit tout d’abord demandée, ensuite, choisie.
Le maillon faible européen réside dans sa défense, car l’on sait que seules deux armées sont en mesure de tenir un conflit aujourd’hui, la française et la britannique. Et si les affrontements armés sont toujours d’actualité, d’autres existent ou sont à venir. Mais d’autres conflit apparaissent, le conflit démographique, où la logique des vases communicants ne peut résoudre la question, ensuite, les conflits climatiques, car certaines zones très menacées, risquent de provoquer des antagonismes dans le sens où la fuite, le déménagement de capitales amène des éléments déstabilisateurs imprévus ; puis les conflits de l’énergie, sûrement les plus importants à venir, là où l’arme atomique n’est plus de mise, remplacée par l’électricité et le gaz.
L’électricité, c’est le nucléaire, le thermique, le charbon, l’eau, le vent, le soleil. Jamais une énergie n’a fédéré autant de possibilités de développement, malgré le fait que le stockage de l’électricité à grande échelle est toujours en sous-développement. Quant au gaz, son rôle géopolitique tout comme celui de l’eau sera un réel bras armé du futur pour les états qui en détiendront des réserves séculaires. Ainsi, l’Europe doit et devra faire face, à ces différents conflits, car tous la concerne.
Petit élément géographique mais immense potentiel décisionnaire et actif, gardienne du seul continent liquide la Méditerranée, l’Europe se trouve une nouvelle fois de son histoire moderne à la croisée des chemins. Son développement, ses élargissements, dépendent de sa capacité d’indépendance et d’autonomie à tous niveaux.
Le gaz, l’arme qui englobe l’Europe
Aujourd’hui la Grèce, la République de Chypre et Israël signent un accord d’approvisionnement avec la création du gazoduc Eastmed, bientôt rejoints par l’Italie quand la Bulgarie est alimentée par le Turkish Stream et l’Europe du Nord par la North Stream. L’Europe a besoin de gaz et les " fournisseurs " le savent bien à commencer par le Turc Erdogan qui n’a de cesse de viser les réserves sous-marines des Zones Economiques Exclusives gréco-chypriotes et bien évidemment Vladimir Poutine dont le pays regorge autant de gaz, que d’or et de diamants.
Et même si le changement climatique adoucit les hivers européens, rien ne dit que la tendance ne puisse s’inverser, voyant l’Europe en grand besoin de gaz, donc fortement dépendante de ces " fournisseurs ".
Russie ou pas Russie
Aujourd’hui, face à l’expansionnisme chinois, dont les accords avec la Russie symbolisent la " veille russe " du grand voisin dont le manque d’espace vital pourrait porter son regard vers la Sibérie, l’Europe une nouvelle fois a tendance à tergiverser entre un non élargissement à certains Etats orientaux ou balkaniques, et pratiquer une sorte de jeu de bonneteau avec la Russie qui ne peut que lui être nuisible à court terme.
Tous les indicateurs mondiaux sont aujourd’hui au rouge et si l’Europe repose encore sur sa puissance économique, cette dernière ne suffit pas à assurer à notre continent un avenir serein. Quand certains Etats européens lorgnent vers Washington, que la nouvelle Commission européenne ne peut se permettre de se mettre " doucement " en place, il est grand temps que l’Europe renoue un dialogue constructif avec Moscou, un dialogue d’avenir qui devra inexorablement mener à une réelle coopération.
Le monde économique et industriel l’a déjà compris, devançant les Etats et leurs représentants. D’ailleurs il suffit de suivre l’actualité du Conseil de l’Europe de Strasbourg, authentique vitrine de la réalité géopolitique européenne, avec ses 47 Etats membres, où se détachent largement la France, le Royaume Uni, la Russie et la Turquie. C’est la raison pour laquelle une prise de conscience est nécessaire en Europe, le temps nous est compté, et Moscou le sait bien, qui a toujours travaillé sur le temps long alors que nous avons depuis trop longtemps pratiqué la politique du temps court.
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