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À Venise, les gondoles amputées à cause du réchauffement climatique

En raison de la montée des eaux, les gondoliers de la Cité des Doges sont de plus en plus nombreux à couper l'arrière de leur bateau. La seule façon pour eux de pouvoir passer sous les ponts.

Article rédigé par Isabelle Labeyrie
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
Des gondoles sur un canal à Venise (Italie). (CHRISTOPHE MORIN / MAXPPP)

Vous avez en tête l'image d'une gondole ? À la poupe, à l'arrière, la coque noire se courbe et remonte. Au point le plus haut, vous avez là depuis le XVIe siècle une sorte de boucle décorative en métal ouvragée, dorée ou argentée, on appelle ça un riccio. Or l'hiver, notamment, quand le niveau de l'eau monte dans les canaux et que Venise est inondée – c'est le phénomène des "acqua alta" qui se produisent de plus en plus souvent –, la gondole ne peut plus passer sous les ponts. Et des ponts à Venise, il y en a un paquet. À peu près 400.

Pas grave, les gondoliers ont trouvé la solution : baisser la tête, oui, mais surtout sortir la scie et couper tout simplement le riccio à la pointe de leur bateau. Ça leur fait gagner environ 25 cm et terminés les problèmes de navigation. Les premières gondoles ratiboisées sont apparues au début des années 2000, en 2018 déjà, il y avait eu toute une polémique. Aujourd'hui, l'hebdomadaire italien Venerdi explique que cela commence à devenir vraiment problématique.

Une insulte à l'histoire

Pour les Vénitiens, couper le riccio, c'est s'attaquer un symbole, insulter l'histoire. On ne doit pas y toucher, d'ailleurs le règlement de la municipalité exige que chaque gondole en soit équipée. Exactement comme le fer qui est à l'avant, cette sorte de gros peigne qui représente les six quartiers de la ville, mais qui, lui, a la chance d'être un peu plus bas. Le président de l’Association des gondoliers promet de faire preuve de vigilance pour mettre un terme à ces mutilations en série. Il faudrait déjà imposer aux 600 gondoliers un riccio amovible, ça existe.

La montée des eaux, phénomène inéluctable

Ce qui est en jeu derrière cette anecdote, c'est la montée des eaux qui menace Venise. Depuis 2020, la ville est protégée par Moïse, un gigantesque système de barrières situées à l'entrée de la lagune et qui se soulèvent chaque fois que la crue menace. Pour l'instant, c'est assez efficace : Moïse permet de réduire la fréquence et l'intensité des inondations.

Sauf que la montée des eaux est inéluctable. Si la mer monte ne serait-ce que de 30cm, comme le prévoient les projections pour 2050, Moïse devra être activé de plus en plus souvent, ce qui sera problématique pour les finances de la ville (chaque manœuvre représente quasiment 300 000 euros), mais aussi pour l'environnement (chaque fois que Moïse entre en action la lagune se ferme, les eaux ne se renouvellent pas). Et ça, ça inquiète bien plus les habitants de la Sérénissime que le comportement un peu sauvage de leurs gondoliers.

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