"Les Années super-8" : la décennie 70 par Annie Ernaux
Lorrain Sénéchal évoque les sorties cinéma de la semaine avec Thierry Fiorile et Matteu Maestracci : "Les Années super-8" d'Annie Ernaux et David Ernaux-Briot et "Corsage" de Marie Kreutzer.
Dans le film Les Années super-8 d'Annie Ernaux et David Ernaux-Briot, il s'agit, comme son nom l'indique, d'images familiales tournées en caméra super-8 donc, par Philippe Ernaux, ex-mari de la romancière, entre 1972 et 1981.
Des séquences du quotidien, avec l'ouverture des cadeaux le soir de Noël ou des films de vacances, qui ressemblent à des vidéos de toutes les familles disposant du même type de caméra à l'époque. Sauf qu'évidemment, elles disent des choses ces images, et elles sont commentées par Annie Ernaux elle-même, d'un ton assez monocorde, dans un style qui s'apparente beaucoup forcément à celui de son écriture, clinique, parfois acide, parfois drôle, et presque toujours politique.
Au fil des années, le commentaire accompagne l'épanouissement de sa conscience féministe, qui nourrira son œuvre. Au-delà de son bel aspect documentaire, au premier sens du terme, un document de l'époque, le film comporte un certain nombre de moments amusants, émouvants, ou emprunts d'une certaine gravité.
On y retrouve aussi une certaine utopie, celle d'un monde meilleur, des espoirs et des désillusions nés de la gauche de ces années-là, avec des séquences de voyages dans le Chili d'Allende, mais surtout en Albanie et à Moscou, du temps de l'URSS, qui à elles seules valent le déplacement pour voir ce film.
Corsage de Marie Kreutzer
Étrange film dont la genèse vient du désir de l'actrice principale, Vicky Krieps, d'incarner Elizabeth d'Autriche, à rebours, totalement, de l'image iconique de Sissi, dans les films tournés par Romy Schneider dans les années 50.
1877, l'impératrice, épouse de François-Joseph qui règne sur l'Autriche-Hongrie, a 40 ans, elle n'en peut plus de devoir se plier aux règles de l'époque et de son rang. On attend d'elle qu'elle soit en permanence en représentation, belle et fluette, mais, rebelle, elle ose bousculer cet ordre patriarcal, voyage seule, chez son cousin, le sulfureux Louis II de Bavière, se jette dans les bras de son palefrenier, mais s'épuise dans cette révolte. Anorexique, mélancolique, elle est physiquement empêchée par ce corset qu'a dû porter aussi l'actrice Vicky Krieps, qui voit dans ce rôle, bien plus qu'un personnage historique.
Une fois de plus, Vicky Krieps impressionne par son implication physique dans le rôle, pas toujours aimable d'ailleurs, ce qui lui donne plus d'épaisseur. Le film est très réussi sur le plan esthétique, ténébreux, voire crépusculaire, mais il penche tellement vers la noirceur, qu'il anéantit l'instinct de vie d'Elizabeth d'Autriche.
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