Transatlantique vers l'île Bouvet
Nina Groffe a navigué à bord du voilier Marama (un ketch de 31m en aluminium) avec Olivier Lehec, le capitaine, Charles Mirassou, le second. "Moi, j'étais la cuisinière", précise la baroudeuse, qui a accompagné des radios amateurs qui souhaitaient rejoindre l'île Bouvet. Cette île norvégienne, découverte par un Français, se trouve aux trois quarts de la route entre Ushuaia en Argentine, et Cape Town, en Afrique du Sud.
"Ces gens-là sont des collectionneurs, ils cochent tous les endroits sur terre avec lesquels ils ont eu un contact radio. Et les deux endroits qui valent le plus de points sont la Corée du Nord : personne n’émet depuis ce pays car c’est interdit, et l’île Bouvet.
Si elle a tant de valeur pour les radios amateurs c’est parce que cette île norvégienne a la réputation d’être l’île la plus inaccessible au monde."Pendant les 15 jours jusqu’à Bouvet, l'équipage a rencontré de nombreuses glaces
"Les radios amateurs faisaient des quarts en journée et nous, l’équipage, on assurait les quarts la nuit. Le jour je suis assez occupée pour nourrir tout ce monde ! Mais j’adore les quarts, il fait froid, j’ai le quart de 22h30 à minuit et celui de 4h30 à 6h. Comme ça à 6h j’enfourne le pain pour le petit déj ! La nuit, et quand on est dans la brume, on veille la glace sur le radar, c’est toujours impressionnant de voir apparaître de grands icebergs fantomatiques dans la houle."
Le voilier passe tout près de la pointe sud-est de la Géorgie du Sud. Soudain, l’eau devient turquoise.
"On saute sur le sondeur, mais il y a toujours 100 mètres de fond, ouf ! L’air sent les poissons, il y a des dizaines d’oiseaux marins : albatros, pétrels, océanites…
Mes préférés sont les damiers du cap, ils sont si élégants avec leurs ailes noires marbrées de blanc. On aperçoit de la Géorgie, des pics acérés, des grands glaciers, qui tombent dans la mer et des roches noires qui contrastent fort avec tout ce blanc. Il fait froid…"
Et une fois arrivés à Bouvet, il fait encore plus froid ! L’île est austère, des falaises noires, cette calotte qui recouvre tout, le vent glacé omniprésent."Mais quelle beauté ! Il y a beaucoup de baleines à bosse, des lions de mer, des otaries, des manchots papou, des manchots à jugulaires, des gorfous macaroni, et même, un manchot empereur égaré. Il y a énormément d’oiseaux marins, d’habitude on ne fait que les croiser au large, mais là, ils habitent ici, et c’est merveilleux. Et ce vent... Un jour où on changeait de mouillage pour s’abriter d’un front, les cascades, qui normalement descendent du haut de la calotte, montaient à la verticale."
Mettre un zodiac à l’eau dans la houle, sans rien casser, ni tuer personne, relève déjà de l’exploit, selon Nina. "Et débarquer huit radios amateurs, avec le minimum, pour camper sur l’île, était un véritable défi. Ils ont finalement passé une dizaine de jours à terre, et effectué environ 30.000 contacts radio, pendant qu’on était au mouillage en back-up."
La veille du départ, l’énorme iceberg qui s’était échoué non loin, peu après notre arrivée, s’est brisé sous nos yeux. Sa hauteur dépassait largement notre grand mât, qui culmine pourtant à 35m. Quel spectacle ! Après ça, il y a un défilé de glaces, juste à l’entrée du mouillage, c’est beau. Rentrer à Cape Town leur prendra huit jours. "Les premiers jours, on gèle et on veille les icebergs. Et petit à petit, on enlève les gants, le bonnet, la veste… Pour se retrouver à se jeter des seaux d'eau, à la pointe avant, en maillot de bain, à 24h de l’arrivée !"
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