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Facteur au Pamir

C'est l'un des endroits les plus isolés du monde. Au nord-est de l'Afghanistan, le Pamir est une bande de terre coincée entre le Tadjikistan et le Pakistan. Le photographe Matthieu Paley, en reportage, était aussi investi d'une mission : apporter le courrier que des Kirghizes exilés en Turquie lui avaient confié.
Article rédigé par Régis Picart
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2min
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C'est le point de départ de la chaine de l'Himalaya.
Entre 4.000 et 5.000 mètres d'altitude, un millier de Kirghizes
vivent ici, un peu hors du temps mais viscéralement attachés à leur terre
pourtant inhospitalière.

Les Kirghiz
sont des nomades. Leur région est tellement loin de tout, qu'ils ont été
épargnés par les guerres qui bouleversent leur pays depuis les années 70. Mais
le territoire est bouclé. Au nord, au sud, à l'est les frontières sont fermées.
Il n'y a pas de route. On ne passe pas. Normalement.

Le
photographe Matthieu Paley, lui, est passé. Depuis une douzaine d'années, il y
est retourné, même, à plusieurs reprises, avec sa femme Mareile. Notamment en
hiver, en remontant une rivière gelée. C'est ce qu'il nous montre et raconte
dans un album paru chez La Martinière : Pamir, oubliés du monde .

Pour se rendre au Petit Pamir, il
faut d'abord cinq jours de voiture tout-terrain et puis cinq jours de marche.
C'est un minimum pour atteindre le premier campement. Après, il faut continuer
pour aller à la rencontre des autres.

La dernière fois qu'ils s'y sont
rendus, Matthieu et Mareile Paley étaient investis d'une mission : porter le
courrier que des Kirghizes exilés en Turquie leur avaient confié à l'attention
de leurs parents restés au pays.

Et ils se sont acquittés de cette
tâche sans restriction. Même si, comme l'avoue Matthieu Paley, la réaction des
Kirghizes a parfois été surprenante..."On n'a pas trop compris au début. On ramenait ces
lettres, les gens les prenaient, ils nous regardaient, très sérieux... Bon, le
Kirghiz est un homme assez dur. Ca rigole pas là-haut. C'est un environnement
très dur, lunaire. On n'est pas là pour rigoler. Ils les mettaient dans leur
poche, puis voilà. Il y a 98% des Kirghizes qui ne savent ni lire ni écrire.
Donc, ils prenaient la lettre et attendaient de trouver les quelques personnes
qui savent lire là-haut pour qu'on leur lise. Et puis, en fait, quand les
familles se sont séparées, elles ont laissé aussi des animaux derrière. Et
donc, ces lettres écrites par les Kirghizes en exil en Turquie, elles demandaient
aux Kirghizes restés en Afghanistan, et alors, mes 25 moutons, ils ont dû faire
plein de bébés... donc, quand je viendrai la prochaine fois, tu vas m'en filer
quelques uns !"

La dernière fois qu'un Occidental
était passé par là, en hiver, c'était en 1972. Matthieu Paley n'était même pas
né !

 

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